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I Can See For Miles, The Who

La plupart des gens qui entendent l’expression idiote “le-plus-grand-groupe-de-rock n’roll-du-monde” pensent aux Rolling Stones. Moi, je pense aux Who.

The Who Sell Out est l’un des plus grands albums des Who, et, par conséquent, l’un des plus grands albums de tous les temps, et pour Pete Townshend, “I Can See For Miles” était l’une des meilleures chansons qu’il ait jamais composées. Mais sortie en single, elle ne dépassa pas la 10ème place, aux USA comme en Angleterre, et, dégoûté, Pete décida de ne plus écrire des chansons “commerciales” (sic) et de se concentrer sur les albums.

Les paroles sont manifestement adressées à Karen Astley, avec laquelle Pete se mariera l’année suivante et consistent en une sévère mise en garde pour que la jeune femme ne profite pas de l’éloignement de son fiancé, pris par les tournées mondiales, pour entamer des relations avec d’autres hommes. « Je peux voir à des distances considérables » proclame Pete le Jaloux…

“I Can See For Miles” est une chanson d’une grande complexité, et c’est la raison pour laquelle elle a été très peu jouée en public ─ il aurait vraiment fallu une deuxième guitare ─ mais franchement, comment voulez-vous qu’un truc comme ça puisse (même en 1967) remuer un peu le grand public ? Les quatre sont extraordinaires, le problème n’est pas là, mais ce morceau n’est pas du rock, on ne peut pas danser dessus, parce que si vous écoutez bien Keith Moon ─ et il faut bien l’écouter, car aucun batteur n’a jamais fait ça avant lui ─ il s’occupe de plein de choses, mais certainement pas de garder le rythme. C’est pas son problème, le rythme, il laisse ce boulot à John. En fait, Keith alterne les silences et des interventions sur ses caisses qui ont simplement pour effet de faire monter la tension. Cette tension ne se résout jamais, et est encore accentuée (quand Roger nous parle de la Tour Eiffel et du Taj Mahal) par la subtile montée de tonalité, à ce moment-là. En d’autres termes, la menace que Pete veut faire passer dans ses paroles est redoublée et accentuée par le caractère menaçant de la musique elle-même, et il s’agit d’une trouvaille proprement géniale. Le début est très caractéristique de ce que je veux signifier, avec cette note, à la guitare, qui se maintient indéfiniment… Et il y a, bien sûr, le chorus de Pete ! Notre guitariste aux yeux bleus ne se sentait pas complètement à l’aise avec ce Jimi Hendrix qui venait de débarquer à Londres, sans compter les Jeff Beck ou Jimmy Page. Il décida donc de faire un chorus…sur une note ! Et le plus beau de l’histoire, c’est que c’est loin d’être ridicule, tellement ça contribue à maintenir cette tension, qui est la clé du morceau. Pour moi, l’un des dix meilleurs titres des Who, c’est-à-dire l’une des plus grandes chansons jamais écrites.

OldClaude

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