Categories: Années 2010Chronique

Detroit, Lift Up Your Weary Head! (Rebuild! Restore! Reconsider!), Sufjan Stevens

Vous pensiez que Sufjan Stevens n’écrivait que des ballades ? Seulement aidé par les trompettistes Tom Eaton et Stephen Halker, et par les voix de Megan Smith et Monique Aiuto, il écrit cette symphonie d’amour-haine à sa ville natale. Comme vous le savez déjà, il joue de tous les instruments ; amusez-vous à les reconnaître, il y en a beaucoup.

Très modestement, ça commence avec des cloches qui jouent un motif simple et répété. Puis arrivent très vite les percussions, le piano, les cuivres, la batterie, et finalement un ensemble de hautbois, tout ça en moins d’une demi-minute. On sent que Sufjan a écouté les minimalistes américains comme Steve Reich, mais il en donne une adaptation maximaliste en saturant l’espace sonore ; le bain musical dans lequel il nous plonge est d’une densité réjouissante, propre à nous porter, et non à nous engloutir ; idéal pour accueillir sa voix et celles de ses choristes. Les clochettes reviennent pour annoncer une variation vocale qui empêche le morceau de sombrer dans la pure et simple répétition, avant un chorus en bonne et due forme. La mélodie vocale connaît encore un nouveau changement, avant une fin instrumentale où tout se dilue dans une nappe tranquille, comme apaisée, comme si tous les reproches que Sufjan avait fait à sa ville appartenaient au passé, et qu’il ne restait que le pardon et la réconciliation.

Que cet homme de 28 ans conçoive, dans son troisième album, une pièce musicale aussi riche, aussi complexe, aussi parfaitement construite, jouée et interprétée, avec un matériel d’enregistrement d’amateur*, montre bien la profondeur et l’intelligence de Sufjan Stevens, génie de notre temps.

__________________________________________________________________

*2 micros Shure SM57, 1 micro AKG C1000, 1 studio intégré numérique 16-pistes Roland VS880EX, 1 logiciel ProTools.

OldClaude

View Comments

  • Merci pour la précision *2 micros Shure SM57, 1 micro AKG C1000, 1 studio intégré numérique 16-pistes Roland VS880EX, 1 logiciel ProTools.

    comme quoi avec peu de choses .. le talent peut .... jaillir !

Share
Published by
OldClaude

Recent Posts

Ça m’a fait plaisir, Ramon Pipin

Il y a les chansons d’amour. Il y a les chansons de désamour. Et puis,…

4 ans ago

Dirty Boy, Cardiacs

Lorsque j’ai décidé de clôturer ce blog, je ne connaissais pas ce groupe anglais de…

4 ans ago

Candleland, Ian McCulloch

Cette chanson, écrite par Ian McCulloch, figure sur l'album du même nom, qui est le…

5 ans ago

Arlington, The Wailin’ Jennys

Je viens de relire ma précédente chronique à propos de ce 40 Days, premier album…

5 ans ago

London Calling, The Clash

Quelle sublime pochette ! Cette photo de Paul Simonon détruisant sa Precision Bass sur la…

5 ans ago

Mouth Of Flames, Great Lake Swimmers

Great Lake Swimmers fait partie des groupes dont j’ai scrupuleusement suivi la carrière, étape par…

5 ans ago