Ne croyez pas que les Easybeats sont le groupe d’une seule chanson, parce que, à cette époque, ils étaient, en Australie, presque aussi célèbres que les Beatles.
C’est d’ailleurs cette célébrité qui leur a permis de venir à Londres en 1966, et d’enregistrer à Abbey Road, sous la direction de Shel Talmy, cet immarcescible hymne mod, “Friday On My Mind”. The Easybeats voulaient prendre la place des Small Faces.
La première fois que Paul Mc Cartney a entendu cette chanson, dans sa voiture, il s’est arrêté pour demander à la BBC de la passer plus souvent ; ce qu’ils ont fait.
Ce n’est donc pas pour rien que “Friday On My Mind”, composée par Vanda et Young, a été votée “Meilleure Chanson Australienne de tous les temps”*. Tous les Australiens vous la chantent par cœur, c’est une sorte d’hymne national.
Il est également important de noter que tous les musiciens des Easybeats étaient des immigrés de fraîche date ; Harry Vanda, le guitariste soliste venait de Hollande, de même que Dick Diamonde, le bassiste. Gordon Fleet, le batteur, tout comme Stevie Wright, le mignon chanteur, venaient d’Angleterre. Quant à George Young, le frère aîné de deux futurs musiciens de AC/DC, guitariste rythmique, il arrivait d’Écosse**.
Le crash sur les cymbales pour vous réveiller et c’est parti avec cette introduction urgente et universellement connue à la guitare.
Monday morning feels so bad
Everybody seems to nag me
On est en 1966 ! L’humanité somnole encore dans la prospérité qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale, enfin, disons que personne n’est encore prêt à entendre la voix des pauvres et des opprimés. Les chansons parlent d’amour et de soleil qui brille.
Et là, le malaise. Je veux dire le malaise social, le malaise de ceux qui bossent toute la semaine et qui attendent le Vendredi, lequel Vendredi n’est pas un jour de la semaine, mais un état d’esprit.
“Friday On My Mind” est la première grande chanson de frustration et de colère sociales.
I’m gonna have fun in my city
Be with my girl, she’s so pretty
She looks fine tonight
She is out of sight to me
C’est ni plus ni moins le quotidien des travailleurs, des prolétaires, des gens qui ont l’impression de perdre leur vie à essayer de la gagner, des immigrés pas encore bien intégrés à la société qui les accueille, comme je le notais ci-dessus, que le texte de la chanson évoque.
No one, nothing else that bugs me
More than workin’ for the rich man
Vanda et Young l’écrivent clairement : le travail n’est fait que pour le profit de “l’homme riche”.
Tonight, I’ll spend my bread
Tonight, I’ll lose my head
Tonight, I’ve got to get tonight
Monday, I have Friday on my mind
Ce “Tonight”, cri de libération, de victoire, pris dans une magnifique spirale musicale ascensionnelle ! Cinquante ans plus tard, il est d’une actualité aussi brûlante. Et c’est la raison pour laquelle, outre la version définitive des Easybeats, je vous invite à écouter et regarder la reprise qu’en donne Bruce Springsteen, sur scène, à Sidney, évidemment.
Bruce ne sourit pas en chantant “Friday…”, son visage est fermé, il serre les poings, il veut simplement faire passer le sentiment qui a nourri la naissance de cet hymne immortel : la frustration et la colère face à l’exploitation de l’homme par l’homme.
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*Oui ! Devant AC/DC et Midnight Oil.
**On vient d’apprendre le décès de George Young, le 22 octobre 2017, à l’âge de 70 ans.
Merci pour votre article
Oui c’est vrai .. je vous cite .” aussi Bruce ne sourit pas en chantant « Friday… », son visage est fermé, il serre les poings, il veut simplement faire passer le sentiment qui a nourri la naissance de cet hymne immortel : la frustration et la colère face à l’exploitation de l’homme par l’homme.”
d ailleurs j’ai adoré son livre born to run ou il se raconte ” le boss” , c’est vraiment très intéressant et ça parle aussi de ce monde qui change et je vous cite à nouveau :”l emalaise social, le malaise de ceux qui bossent toute la semaine et qui attendent le Vendredi, lequel Vendredi n’est pas un jour de la semaine, mais un état
d’esprit.”
il raconte aussi l’origine de son malaise ( mal -) et c’est vraiment très “humain”