Je ne vais pas tout vous dire sur “Lucy In The Sky With Diamonds”*, car en cherchant un peu, on trouve tout et même plus que ça sur Internet. Mais je vais préciser une ou deux choses, rectifier des erreurs, et donner mon sentiment sur cet album, Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band d’où la chanson est tirée.

C’est donc John qui a écrit ça, et Paul y a participé de manière très marginale, même si certains arrangements sont de lui.

Le titre en fut trouvé par Julian Lennon, 3 ans, qui revenant de l’école montra à son père un dessin représentant la petite Lucy, qu’il aimait bien, en annonçant que c’était “Lucy in the sky with diamonds”. Le titre était trouvé et n’a rien à voir avec le LSD25 qui est une invention des journalistes. Attention, ça ne veut pas dire que cette substance était étrangère aux Beatles, loin de là, mais, en tout cas, Julian n’en prenait pas quand il a trouvé le titre. Et John a écrit des paroles “psychédéliques” qui devaient beaucoup plus au Goon Show et à Lewis Carroll qu’à la drogue.

Pour une fois, les Beatles pouvaient profiter du studio 2 d’Abbey Road autant qu’ils le voulaient, et c’est bien pour ça qu’ils passèrent la journée du 28 février 1967 à répéter LITSWD. Je rappelle que pour la première fois, on leur laissa 4 mois de studio pour enregistrer cet album ; ça ne coûtait pas, à l’époque, le même prix qu’aujourd’hui !

C’est donc le Mercredi 1er mars qu’ils enregistrèrent les 7 prises, toujours en 4-pistes, évidemment ; sur la piste 1, on trouvait George à la guitare acoustique et George Martin au piano ; piste 2, Paul sur son orgue Lowrey DSO Heritage Deluxe** de 1965 qui donne ce son de célesta, au début ; Ringo, avec sa batterie Ludwig Super Classic Black Oyster Pearl de 1964 était sur la piste 3, et John faisait une voix témoin en agitant ses maracas, sur la piste 4. Déjà, à l’époque, il faut signaler que le groupe commençait à présenter les signes de désagrégation qui allaient le mener à sa perte, quelques années (et albums) plus tard : George disait qu’il ne se sentait plus tellement un Beatles, Ringo se contentait de faire ce qu’on lui demandait de faire ; surtout, John commençait à en avoir assez, et abandonnait progressivement le leadership à Paul ; c’est ce dernier qui a vraiment imposé la direction vocale de LITSWD, avec une voix alanguie pas très habituelle chez John***.

Dans la prise 7, George laisse de côté sa guitare pour utiliser un instrument indien, le tamboura, qui donne un son continu.

Le lendemain, Jeudi, on s’occupa de la “réduction” de ces pistes en une, ce qui donna la prise 8, laquelle fut ralentie à 49 cycles/s****. Elle occupait donc la piste 1 du Master, ce qui laissait 3 pistes libres pour ajouter ce qu’on voulait.

La piste 2 fut dévolue à la voix de John, avec Paul chantant à l’unisson, ou faisant les harmonies. L’enregistrement fut fait à 45c/s, ce qui fait que les deux hommes semblent chanter plus haut qu’en réalité. On y ajouta un écho à bande. La piste 3 est également une piste vocale, Paul et John renforçant certains passages ; enregistrement à 48,5 c/s. Quant à la piste 4, elle est occupée par la Rickenbacker basse 4001S de 1964 de Paul et la Fender Stratocaster Sonic Blue 1961 avec distorsion de George, qui disait vouloir imiter un autre instrument indien, le sarangi.*****

On essaya de mixer ce jour-là, mais rien ne fut satisfaisant ; cependant, comparé à d’autres chansons du disque, LITSWD fut enregistré plutôt rapidement.

Le lendemain, Vendredi, on convoqua quatre musiciens qui jouaient du cor d’harmonie, et qui finirent par ajouter leur touche, de même que George, qui rajouta une piste de guitare électrique. On fit beaucoup d'”Artificial Double Tracking”, avec manipulation de la vitesse des bandes ce qui aboutit à l’ajout d’une sorte d’effet de “flanging”******. On s’occupa surtout du mixage, le 4ème essai étant le bon. À ce propos, je voudrais dire que pendant cette phase cruciale, les quatre Beatles étaient présents, ce qui permit à Richard Lush, l’assistant de G. Emerick d’affirmer que la vraie version de “Lucy” est la version mono, et une écoute comparative attentive permet d’entendre une multitude de détails dans cette version, qui n’existent pas dans la version stéréo, dont le mixage a été réalisé en l’absence des Beatles.

C’est également la raison pour laquelle la seule édition des Beatles à laquelle je me réfère, et que je possède, est le coffret de 11 albums compact discs édité en 2009, en mono.

Seuls George Martin, Emerick et Lush étaient présents, je le répète, le 7 avril, lors du mixage stéréo.

Et Sgt. Pepper’s…, huitième album des Beatles, naquit au monde le Jeudi 1er juin 1967 ! Et le monde ─ et moi-même, à l’époque ─ de s’extasier sur la pochette, avec les quatre moustachus vêtus d’uniformes chamarrés.

J’ai, évidemment, réécouté l’album, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps, pour écrire ce qui suit. Tout de même ! Il s’agit de l’album classé “Meilleur disque de tous les temps” par “Rolling Stone”, magazine sérieux s’il en est. Imaginez la tête des lecteurs s’ils avaient classé en tête un album quasiment inconnu ! Et que du 60’s-70’s dans les 15 premiers. Les jeunes, taisez-vous !

Bon revenons à la huitième merveille du monde. Vous voulez que je vous dise ? Avec “Lucy”, il y a cinq autres bonnes chansons. Le reste ? Silence charitable ; c’est quand même les Beatles, on va pas dire du mal. Mais permettez-moi de penser que Rubber Soul et surtout Revolver étaient beaucoup mieux.

Et puis, avec Sgt. Pepper…,l’esprit de sérieux envahissait le rock. Ça devenait de l’Art, le grand-public allait être conquis, même ma mère allait s’y intéresser. Pas étonnant que, pendant ce temps là, les Rolling Stones se préparaient à devenir “Le Plus Grand Groupe de Rock’n’Roll du Monde”…

Et enfin, pour conclure, c’est en rédigeant cette chronique que j’ai appris que Lucy, la muse de Julian Lennon, était allée rejoindre dans l’éternité, outre celui qui l’a rendue célèbre, John Lennon, celle qu’elle-même a rendu célèbre, une jeune Australopithecus afarensis, morte il y a 3 200 000 ans.

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*que je vais abréger en LITSWD et non pas en LSD, parce que ce dernier acronyme est trop connoté.

**Lewisohn indique de manière fautive qu’il s’agissait d’un orgue Hammond. Tous ceux qui ont recopié ont faux !

***Certaines substances, fumées par John, ont facilité cette évolution. Sur la prise 4 on entend Paul demander à John qu’il se concentre.

****On rappelle que la vitesse “normale” est de 50 c/s

*****Je me demande si cette information est totalement fiable, car le mix stéréo isole basse d’une part et guitare d’autre part, ce qui ne se peut pas si elles ont été enregistrées sur la même piste.

******Écoutez la fin de “Bold As Love” de Jimi Hendrix pour savoir à quoi ça ressemble.

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