On considère souvent que “Bitter Sweet Symphony”, premier single issu de l’album Urban Hymns, est le chant du cygne de la “britpop”. Mais, parlons tout de suite de sa généalogie, qui n’est pas sans importance : au milieu des années 50, The Staple Singers, groupe américain de gospel, sortit une chanson qui s’appelait “This May Be The Last Time”. Brian Jones récupéra l’idée et en fit une chanson, signée Jagger-Richards*. L’année suivante, leur producteur, Andrew Loog Oldham, édita un disque contenant des versions réorchestrées des chansons des Rolling Stones, The Rolling Stones Songbook, avec, en particulier une version de “The Last Time”, due à David Whitaker.

The Verve demanda à utiliser quelques mesures de cette dernière version, et obtint l’autorisation. Richard Ashcroft écrivit des paroles, et le single fut mis sur le marché. Succès mondial d’une ampleur inattendue ! Il n’en fallait pas plus pour qu’Allen Klein, patron d’ABKCO Records, détenteur du catalogue des Stones fasse un procès à The Verve. Le jugement octroya la totalité des droits d’auteur à ABKCO, et les crédits d’écriture furent attribués conjointement à Richards, Jagger et Ashcroft. The Verve ne toucha pas un sou !

Effectivement, quand on réécoute aujourd’hui “Bitter Sweet Symphony”, on peut juste se dire une chose : la chanson ne doit rien aux Staple Singers, ni aux Rolling Stones, mais s’appuie totalement sur ces quelques mesures de cordes synthétiques orchestrées par Whitaker, qu’Ashcroft et son groupe ont eu l’intelligence de mettre en valeur. Mais l’intelligence artistique ne pèse d’aucun poids face aux armées d’avocats et aux millions de dollars en jeu dans ce genre d’affaires…

*Voir ma chronique sur “The Last Time” des Rolling Stones.

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