Vous me connaissez, à chaque fois que je déniche un groupe français, ça chante en Anglais, ou en Kobaïen, ou bien, il s’agit d’un instrumental, tout ça est assez agaçant.

Eh bien, cette fois-ci, avec Moodoïd, je ne vous fais pas le coup. Le groupe a un son, une personnalité, certains diraient une “vision”, qui le rend unique dans le paysage musical français, et même international.

En tout cas c’est ce que je me suis dit en prenant connaissance du “simple”* qui a précédé la sortie de leur premier album, Le Monde Möö, enregistré à Brooklyn dans le studio de Nicolas Vernhes, le producteur, et qui renferme cette perle qu’est “La Lune”,**magnifique ritournelle où dominent les voix féminines, et à laquelle une très riche instrumentation donne un léger parfum orientalisant. Les critiques, toujours en mal d’étiquettes, ont affublé Moodoïd du terme générique de “psychédélique”, ce que certains titres pourraient laisser croire, mais, pour moi, “La Lune” est plutôt l’équivalent musical d’un conte pour enfants, un savant mélange d'”Hansel et Gretel” des frères Grimm et de “La Petite Poucette” d’Andersen. Mais, si vous avez d’autres contes en tête, rassurez-vous, ça marche aussi.

Moodoïd a en effet trouvé le secret pour fabriquer de la musique d’enfants pour adultes***. L’un des ingrédients de la recette de Pablo Padovani, l’âme du groupe, et également guitariste de Melody’s Echo Chamber, et de ne s’être entouré que de musiciennes**** auxquelles on doit ces voix féériques, inédites dans la pop hexagonale.

C’est à Hugo Cassavetti que j’ai envie d’emprunter le terme de “maniérisme” pour caractériser plus finement la très belle approche de Moodoïd. Mais là où Hugo ─ dont je salue le goût très sûr ─ emploie le terme en lui donnant une nuance un peu péjorative, j’ai simplement envie de rappeler qu’au XVIème siècle, le maniérisme pictural a donné des chefs-d’œuvre, en osant un affranchissement ludique des règles édictées par les Maîtres insurpassables de la Renaissance.

C’est ainsi que va Moodoïd, et si, fidèle à mon choix de situer ma chronique au niveau d’une chanson, j’ai choisi “La Lune”, je voudrais souligner la richesse d’inspiration de Padovani et de ses ami(e)s, dans la mesure où tous les titres de cet album offrent des facettes différentes et complémentaires, aboutissant ainsi à faire de Le Monde Möö, l’un des meilleurs albums de 2014, toutes régions du monde confondues.

*Les anglophones appelleront ça un “single”, et tout le monde sera content.

**La version de Le Monde Möö est beaucoup plus longue, mais tout aussi délicieuse.

***Ou le contraire, car leur version de “Venus In Furs” du Velvet pourrait être diffusée dans les crèches.

****tout au moins sur scène, car la version de studio comporte une partie de duduk (flûte arménienne) jouée par Didier Malherbe, pilier de Gong. Y apparaissent également Vincent Segal, le père de Pablo, Jean-Marc Padovani, Riff Cohen, et beaucoup d’autres.

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