C’est avec ce titre que je terminerai mon survol d’Illinoise, cet album que vous avez certainement dû vous procurer, car, je vous le demande, comment vivre sans ?

D’ailleurs, si vous vous souvenez bien, ma chronique de “Holland”, chanson de Michigan, vous offrait une liste des plus belles ballades de Sufjan ; “John Wayne Gacy, Jr” et “Concerning The UFO…” y figuraient, à côté de celle dont il va être question aujourd’hui.

La musique d’abord. Sufjan nous met dans l’ambiance du morceau en jouant, en arrière-fond sur son orgue électrique d’église Baldwin. Il plaque, par-dessus, des accords de piano volontairement grandiloquents, qui laissent beaucoup de silence entre les notes. Arrivent doucement alors, Shara Worden et Katrina Kerns, ses choristes, qui viennent accentuer le côté liturgique de l’ensemble. Et, à la fin, il n’y a plus que les voix.

Là, on m’apostrophe : « Cette musique religieuse, même modernisée est légèrement gonflante ; je suis là pour écouter du rock, et j’ai l’impression d’être à l’église. Tu nous enverrais pas un p’tit Rolling Stones, à la place ? »

Du calme, jeune mécréant, il y a un temps pour tout. Et cette chanson est d’une puissance évocatrice grandiose, vision apocalyptique de l’ange Emmanuel dans le ciel, suivie de ces quatre derniers vers :

« Oh my mother she betrayed us

But my father loved and bathed us

Still I go to the deepest grave

Where I go to sleep alone »

Il y a là, tout simplement la trame de ce qui constituera un autre chef-d’œuvre de Sufjan Stevens, la dramatique plongée de sa mère dans la schizophrénie et l’addiction aux drogues, avant sa mort prématurée, qu’il chroniquera, dix ans plus tard dans le bouleversant Carrie And Lowell.

Et cet aveu terrible de ce qu’il appelle la “trahison” de sa mère est certainement l’une des clés pour aimer et comprendre ce musicien unique, cet homme qui est lui aussi « Seven miles above the earth ».

 

Print Friendly, PDF & Email