Je dois avouer que je n’avais pas beaucoup aimé le précédent album de la Norvégienne Susanne Sundfør, Ten Love Songs, un brouet synthpop sans doute bien fait, puisqu’il lui avait apporté une certaine consécration internationale, mais que j’avais trouvé assez insipide.

Rien de tel avec ce très beau Music For People In Trouble, où elle revient au style qui m’a fait lui consacrer plusieurs chroniques élogieuses*, un folk indie perdu dans les brumes scandinaves, magnifié par sa voix, véritablement exceptionnelle**, et conçu pendant une période où la jeune femme traversait une dépression assez sévère. Elle s’est, pour s’en sortir, nourri de voyages photographiques à travers le monde (Amazonie, Corée du Nord).

Elle s’est fait, pour la production, aider par Jørgen Træen, et l’album bénéficie de l’apport d’un certain nombre de musiciens réputés parmi lesquels je citerais Greg Leisz à la pedal-steel guitar, et surtout, la voix de John Grant***.

“The Sound Of War” dure près de 7 minutes 50 et possède deux parties bien distinctes. Au début, on entend une rivière qui coule et des oiseaux qui chantent, et puis assez vite la guitare de Susanne, montée en cordes nylon, « comme Nick Drake » dit-elle****, et sa voix, impressionnante. Tout cela est très joli, bucolique, même si les paroles de la chanson démentent l’apparente sérénité de la mélodie qui se déroule calmement. Très bientôt, d’ailleurs, intervient un synthétiseur qui installe une fréquence très basse, qui, dans ce contexte prend un ton menaçant. Un peu avant la 5ème minute, la chanson s’arrête remplacée par « les bruits de la guerre », lesquels sont d’ailleurs beaucoup moins le fracas des armes que le bourdonnement des drones et des appareils de surveillance. Puis, dans le lointain, à nouveau la voix de Suzanne, portée par une nappe de synthétiseur tente de redonner un peu de vie au milieu de ces évocations mortelles.

La musique pop n’a jamais été avare de ces chansons de protestation contre la guerre, mais je n’en connais pas beaucoup qui ont dénoncé l’horreur avec cette puissance.

* Voir mes chroniques, “The Brothel” et “The Silicone Veil”.

**Le concert du 9 mars 2018, au Café de la Danse, fut un éblouissement.

***Vous savez, l’ex-chanteur des Czars, dont je n’arrête pas de parler !

****J’ajouterais, comme Mark Kozelek, comme José González…

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