Le tube de l’été 1967. Si ce n’était que cela, ça n’aurait aucun intérêt, car vous avez pu remarquer que j’avais un goût très mesuré pour les tubes de l’été. Mais il faut reconnaître que voir au sommet, en même temps, “A Whiter Shade Of Pale” pour les singles et Sgt Pepper’s pour les albums, ça avait de la gueule !

AWSOP est né de l’association de Gary Brooker, pianiste et chanteur, déjà vieux routier du rhythm’n’ blues britannique, et Keith Reid, parolier. Keith avait trouvé le titre et écrivit quatre couplets, dans un style obscur et “artistique”, peu commun à l’époque.

Deux de ces couplets seulement furent enregistrés, sous la direction du producteur Denny Cordell. Gary Brooker était donc au chant et au piano ; Matthew Fisher, sur son orgue Hammond M-102 improvisa une ligne mélodique à-la-manière-de-Jean-Sébastien-Bach, pour laquelle il parvint à se faire reconnaître assez récemment comme co-auteur, aux côtés de Reid et Brooker. David Knights tenait la guitare basse ; Ray Royer, qui sera viré tout de suite après, la guitare, et les baguettes étaient entre les mains d’un musicien de studio.

Alors, c’est vrai, AWSOP va étouffer, par son succès phénoménal, la carrière de Procol Harum, mais il faut maintenant rappeler plusieurs choses : d’abord, et c’est pour moi le plus important, il s’agit d’une chanson absolument extraordinaire, empruntant certes aux codes de la musique classique, mais sans donner prise à ce qu’on pourrait appeler l’artificialité d’une greffe. Il n’y a pas de citation dans AWSOP, mais une véritable appropriation de quelque chose qui vient de Bach, mais qui n’est, contrairement à ce qui a été écrit, pas de Bach*. Mais le plus important de toute cette histoire, c’est de considérer que AWSOP est le coup de tonnerre inaugural d’un groupe qui va construire une œuvre comme il n’en existe pas beaucoup dans toute l’histoire de la musique pop. J’ai déjà consacré, dans ce blog, cinq chroniques à Procol Harum**, et dans l’une d’elles, j’affirme qu’aucun autre groupe n’a aligné, de cette façon, cinq albums, les cinq premiers,*** qui étaient autant de chefs-d’œuvre. Je persiste et signe. Je n’ai donc pas les yeux fixés sur AWSOP, quand j’évoque Procol Harum, mais j’embrasse des dizaines et des dizaines de chansons, au moins aussi importantes, souvent encore plus talentueuses. Ceux qui aiment vraiment Procol Harum le savent bien : AWSOP n’a pas été, pour eux, une bénédiction mais une vraie malédiction.

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*L’influence du “When A Man Loves A Woman” de Percy Sledge est très perceptible.

** “Luskus Delph” ; “Broken Barricades” ; “About To Die” ; “Barnyard Story” ; “Nothing That I Didn’t Know”.

***Procol Harum ; Shine On Brightly ; A Salty Dog ; Home ; Broken Barricades ; on pourrait presque ajouter les trois suivants !

 

 

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