Au moment d’entrer en studio pour réaliser leur sixième album (en 4 ans), The Power And The Glory, Gentle Giant venait de terminer une tournée en Angleterre, une tournée en Italie, et s’apprêtait à entamer sa 4ème tournée aux États-Unis, avec la ferme intention d’y obtenir enfin un succès mérité. En rentrant aux studios Advision, le concept était clair, il s’agissait de rassembler des chansons autour du thème du pouvoir et de la corruption. Il s’agissait également d’être plus directs, plus “rock”, justement pour pénétrer ce marché américain. L’arrivée de John Weathers sur le siège du batteur allait permettre beaucoup plus aisément de remplir cette condition, même s’il fallait toujours composer avec le départ de Phil Shulman. On peut dire que GG allait sonner plus “progressif” et moins “médiéval”.

“Cogs In Cogs”, composé comme toutes les chansons de ce disque par Derek Shulman, Ray Shulman et Kerry Minnear, est une illustration éclatante de ce tournant. L’influence du rock progressif italien y est évidente, et on entend dans les interventions de Kerry Minnear à l’orgue Hammond, l’importance de l’apport de Keith Emerson à cet instrument.

Je voudrais insister sur certains éléments de la section centrale de cette chanson, qui offre deux parties vocales qui sont dans des métriques différentes : alors que la première partie, celle qui débute la première (« the circle turns around, the changing voices calling » est en 6/4, la seconde («circles turn aroun, the changing voices. ») est en 15/8, ce qui signifie que les deux mélodies s’alignent différemment à 6 reprises. Les phrases se rencontrent toutes les 60 double-croches (d’après Michael Beauvois).

Si vous ne deviez posséder qu’un seul album* de Gentle Giant, c’est probablement The Power And The Glory qui devrait retenir votre choix, et si vous voulez une interprétation en public de “Cogs In Cogs”, morceau qui, en général, débutait leurs concerts, je recommande celle qui figure sur le double-cd Totally Out Of The Woods The BBC Sessions.

Avec The Power And The Glory, Gentle Giant accède vraiment à la maturité et devient un groupe de scène d’une puissance, d’une précision et d’une rigueur inégalées. Et pourtant, dès l’année suivante, un groupe concurrent, Genesis, va leur ravir la palme du succès, alors que l’apport de ces derniers à la musique est ridiculement faible, comparé à leur succès ; mais la prime à la facilité a toujours eu force de loi, dans le domaine de la musique populaire, et on ne voit pas pourquoi cela aurait été différent, dans ce cas précis.

Quarante ans plus tard, l’œuvre de Gentle Giant n’a pas perdu de sa pertinence ou de son actualité et demeure l’une des expressions artistiques les plus hautes et ambitieuses de toute la musique du XXème siècle.

*Difficile à imaginer pour quelqu’un qui possède 43 cd de GG.

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