Je connaissais un peu Salif Keita (les albums “Mandjou”, “Soro”, “Folon”…), mais je dois dire que la découverte de l’album “Moffou” et de l’incroyable “Ana Na Ming” fait partie de ces chocs esthétiques dont l’impact modifie ce que j’appellerais pompeusement “ma vision du monde”.

“Moffou” est un disque d’inspiration très africaine, contrairement à d’autres albums de Keita. Il y chante en bambara et en malinké.

Très rapidement, pour ceux qui ne connaissent pas Salif Keita, il est né au Mali, en 1949, descendant direct de Soundiata Keita, fondateur, au XIIIème siècle de l’Empire mandingue. Un aristocrate, donc, et n’ayant pas le droit de chanter, privilège réservé à la caste des griots.

Mais surtout, Salif est né albinos, ce qui, en Afrique, est une malédiction, qui a exposé Salif au rejet, à la moquerie, à la solitude. Son propre père a refusé de lui parler pendant des années !

Il s’enfuit, pour devenir le chanteur du Rail Band de Bamako, dirigé par Tidiane Koné, puis celui des Ambassadeurs de Kanté Manfila.

Au milieu des années 80, il vient en France et s’intègre à la communauté malienne de Montreuil ; la reconnaissance artistique arrive, lui permettant même de travailler avec l’immense Joe Zawinul.

“Ana Na Ming” est une chanson d’amour. Salif s’y accompagne à la guitare acoustique, et y déploie une mélodie qu’on sent ancrée dans la terre africaine, mais porteuse d’une émotion qui lui fait accéder à l’universel. Cette guitare sonne parfois comme une kora ; la production permet à Salif d’ajouter beaucoup de réverbération à sa voix, ce qui nous donne l’impression qu’il chante dans un espace immense. Et, petit à petit, de subtiles variations mélodiques apportent au texte une sorte d’urgence qui amplifie le caractère impérieux de la demande que Salif exprime à la femme aimée. L’une des plus grandes chansons que je connaisse…

 

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