L’album “Parallelograms”, qui s’ouvre par cette chanson, est un miracle. Paru en 1970, sur Kapp Records, produit par Leonard Rosenman, il a été ignoré, tant par la critique que par le public, et Linda Perhacs, dégoûtée, est retournée à son boulot dans un cabinet dentaire.
C’est d’ailleurs dans ce cabinet qu’elle avait fait la connaissance de Rosenman, qui, sur la foi d’une maquette l’avait persuadée d’enregistrer un album. Ce dernier avait été mixé par la maison de disques pour être bien accueilli en radio, et, bien sûr, ça n’avait rien donné.
Inutile de vous dire qu’en 1970, j’avais totalement ignoré Linda Perhacs et son album, et c’est le label Wild Places qui a pris l’initiative de ressortir Parallelograms en 1998 ; le succès n’a cessé de grandir depuis, au point que 44 ans après, Linda Perhacs a sorti un second album !
C’est donc en 2003, lors de la réédition cd de l’album, avec quelques bonus, que j’ai découvert ce disque intemporel et merveilleux. J’ai choisi de vous entretenir de Chimacum Rain, mais l’intégralité de l’album mérite de figurer parmi les chefs-d’œuvre de cette décennie, et le morceau qui donne son titre à l’album est sans doute du même niveau que la chanson inaugurale.
Même si, au fil de l’écoute, on peut évoquer Joni Mitchell, ou encore Tim Buckley, Chimacun Rain ne ressemble à rien de connu. On se raccroche à deux éléments : une guitare, et bien sûr, la voix cristalline et habitée de Linda. Les paroles sont importantes par leur sonorité plus que par le sens qu’elles ont ; les voix sont démultipliées, mixées, stratifiées, envahies par des sonorités étranges, des bruits évoquant la Nature. Il s’agit d’une promenade sous influence lysergique, et s’il y a bien un titre musical qui peut revendiquer l’étiquette folk psychédélique, c’est celui-là !
Chimacun Rain est une chanson qu’on ne partage pas, qui nous plonge dans un état de béatitude autistique, dont on voudrait qu’il ne finisse jamais. On ne chante pas Chimacun Rain, même si elle renferme des éléments mélodiques très repérables, on se laisse porter par un nuage toujours changeant et qu’on ne peut saisir. Cette chanson ne vous appartiendra jamais ; acceptez de vous laisser posséder par elle.

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