Guilty Pleasure. Plaisir coupable. C’est ainsi que les anglo-saxons nomment une catégorie particulière de productions artistiques que, personnellement, nous aimons, mais qu’il faudrait ne pas aimer. Cela signifie qu’il existe, dans certains milieux, des règles qui délimitent très précisément la frontière entre le bon goût et le mauvais, et qu’il convient de rester toujours du bon côté. Les milieux du rock indépendant abhorrent tout ce qui se rapproche de la musique commerciale, celle qu’on entend à la radio, celle dont les interprètes sont invités dans les émissions de télévision, l’Eurovision étant l’horreur absolue. On notera, à ce propos, qu’un groupe comme ABBA, gagnant de l’Eurovision, et copieusement détesté par l’underground, à cette époque, est maintenant révéré par les mêmes qui les vouaient aux gémonies.

D’une façon générale, je respecte les prescriptions de cette police du bon goût, tout simplement parce qu’il s’agit de choses que j’aime, sans avoir à forcer ma nature, mais il m’est déjà arrivé, et ce blog en porte la trace, de piétiner allègrement ce “bon goût”, et de me vautrer dans les marécages putrides des “guilty pleasures”*.

Ce long préambule, car il n’est pas impossible que “Don’t Give In” appartienne à cette catégorie infamante. Mais, en même temps, je n’en suis pas certain. Wildness est le septième album studio de Snow Patrol, alors que leur sixième, Fallen Empires, datait déjà de 2011. Ce long intermède a été marqué par les problèmes psychologiques de Gary Lightbody, chanteur du groupe, dont la dépression et l’alcoolisme ont largement entravé la créativité. Ainsi, “Don’t Give In”, et l’ensemble de Wildness ne savent manifestement pas sur quel pied danser. Sous la houlette du producteur Jacknife Lee, l’album va un peu dans tous les sens, faisant de l’œil tour à tour aux fans d’indie-pop branchés, aux midinettes, au public des stades, à celui de la télévision, etc. Pour tout dire, ça ratisse large, et à force de tirer dans tous les coins, ça finit par toucher une cible. “Don’t Give In”, donc, est ce genre d’hymne que le public adore reprendre en chœur avec l’artiste, voix éraillée de celui qui a beaucoup vécu, guitare acoustique, batterie sympathique, mélodie aisément mémorisable, réverbération de cathédrale, petit passage très intimiste pendant lequel Gary vous murmure quelques mots à l’oreille, un des tubes de l’été dernier, sauf erreur, ils l’ont même chantée à “Taratata”.  Et je l’avoue, je me suis laissé prendre, car j’ai fredonné le refrain un nombre incalculable de fois. Je n’ai jamais prétendu être parfait.

*Voir mes chroniques “Ice Queen”, “People Help The People”, “Summertime Sadness”, Clocks”, “I Deserve It”, et quelques autres pour lesquelles l’indie-police me surveille.

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