Cette année-là, Radiohead qui était devenu gigantesque, après le succès de “OK Computer”, s’engagea dans une voie qu’on pourrait qualifier d’expérimentale, voie qui allait, à mon avis les mener vers une impasse. Mais, n’allons pas trop vite, “Kid A”, l’album de la rupture, n’a pas encore totalement coupé les ponts avec les règles de la composition en usage dans le monde occidental, et reste un album qui s’écoute encore aujourd’hui avec beaucoup de plaisir.
Témoin, ce “Everything In Its Right Place”, avec sa signature rythmique particulière, son instrumentation minimaliste qui met de côté les guitares, et même la batterie, sa mélodie qui donne l’impression de ne viser qu’une seule note, ses paroles dont le sens reste volontairement obscur.
J’ai visionné un certain nombre de versions de ce titre en public. Thom Yorke, pour la première fois, tentait de composer sur son piano, dont il reconnaît lui-même être un médiocre pratiquant. Sur scène, il joue du Fender Rhodes ou quelque chose d’approchant, et commence souvent par reprendre quelques mesures d’une chanson connue, et écrite par d’autres artistes que Radiohead, afin de fournir des échantillons à Ed O’ Brien et Jonny Greenwood, lesquels les traitent, Ed avec des pédales d’effet et un clavier, et Jonny, avec un Kaoss Pad, qui module directement la voix de Thom.
J’écrivais, ce matin, par hasard, une chronique à propos de l’album de My Bloody Valentine, “Loveless” (1991), et je suis frappé, ce soir, en notant ces quelques réflexions sur Radiohead, de voir combien celui-ci doit à celui-là. “Kid A” est une branche qui pousse à partir du tronc de “Loveless”, mais je remarque également qu’aucun des 2 albums n’a eu une descendance très fructueuse : il a fallu attendre 22 ans pour que MBV offre un successeur à “Loveless” (et qui ne lui arrive pas à la cheville), et ce qui a suivi “Kid A” est nettement moins intéressant.
Bon. Voilà comment, dans un seul article, je vais réussir à me mettre à dos les adorateurs de Radiohead, et peut-être également ceux de My Bloody Valentine.
