Alors que même les grincheux qui n’aiment pas The Missing Piece sont obligés de reconnaître que la chanson chroniquée la semaine dernière* fait partie des grandes compositions de Gentle Giant, tout le monde tire à boulets rouges sur à peu près tout le reste du disque. Je ne dis pas que ces grincheux ont complètement tort, mais ils auraient été mieux inspirés de soutenir plus vigoureusement le groupe au temps de sa ─ très relative ─ splendeur commerciale. Pour le dire autrement, je ne pense pas que cet album soit mauvais, je pense qu’il est moins ambitieux, tout simplement parce que dans ce monde où la marchandisation de l’art atteint des sommets, il ne peut subsister d’ambition que soutenue par une réussite marchande.

J’ai donc, sans me lasser, écouté et réécouté “For Nobody”, en studio, ou sur scène**, et qu’ai-je entendu ? Un groupe sûr de lui, n’ayant abandonné aucun de ses “fondamentaux”, travaillant avec la même ardeur et la même science les métriques complexes qui les ont rendus fameux. Tous les musiciens jouent avec un engagement intact, et la voix impériale de Derek est bien là pour nous prouver que l’abdication n’est pas à l’ordre du jour.

Il existe un très beau coffret de Gentle Giant, Scrapping The Barrel, qui renferme des ébauches de “For Nobody”, des séances de travail dans le studio hollandais choisi pour l’enregistrement. La qualité et la complexité du travail de Kerry sont intactes, les lignes de basse de Ray sont toujours aussi impressionnantes, et John, à la batterie, à fort à faire pour respecter les rythmes toujours aussi complexes qu’on lui demande d’accompagner. Et puis il y a 35 secondes d’une piste vocale qui permet de faire ressortir les subtiles harmonies de Derek et Kerry. Tout simplement extraordinaire !

*Voir ma chronique de “Memories Of Old Days”.

**Chanceux que vous êtes ! La vidéo que j’ai choisie associe, à la suite de “For Nobody”, le non moins splendide “Mountain Time”.

 

 

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