Je ne suis pas un “enfant de MTV”, et ce n’est, en général, pas en regardant un clip que je découvre une nouvelle chanson. La musique n’a pas besoin d’être “illustrée”, et, si vous n’avez pas suffisamment d’images dans votre tête, quand vous écoutez de la musique, eh bien, je vous plains.

Et pourtant, je vais commencer par vous recommander de découvrir “Beth/Rest”, en regardant la vidéo dite “officielle” de la chanson, mise en scène par Justin Vernon lui-même (et Dan Huiting), et ce, pour deux raisons. (ci-dessus)

La 1ère raison est que ces images sont d’une beauté et d’une poésie incomparables, qu’elles font partie de l’imaginaire de Justin, et que ce que je vous avais suggéré pour ma précédente chronique d’une chanson de “Bon Iver, Bon Iver”* reste d’actualité pour toutes les chansons de ce disque.

Il y a une seconde raison plus subtile, mais qui est au cœur de mon propos : “Beth/Rest” est la chanson qui clôt le disque, et Justin dit que c’est sa préférée, celle dont il est le plus fier, or, et cela n’étonnera pas ceux qui ont une certaine culture musicale, un certain nombre de “beaux esprits” ricanent en écoutant Beth/Rest. Je fais la synthèse de leur discours : “C’est un retour aux années 80 ! On dirait Phil Collins ! Ou Hall & Oates ! C’est ringard, kitsch, boursouflé !”etc, etc.

Prenons un peu de hauteur si vous voulez bien, et essayons de décortiquer un peu ce jeu de références qui disqualifie d’emblée tout ce qui peut évoquer un passé méprisé, et pour tout dire démodé.

Certes, la “pedal steel”, le Korg-M1, les saxophones, nous replongent dans des orchestrations que l’on n’entendait plus guère, en 2011, mais en quoi cela diminue-t-il la valeur de cette chanson ?

Je n’accepte pas que l’on me dise que Gentle Giant, Yes, Eurythmics, la liste est longue, qui sont effectivement démodés, sont nuls, de ce fait. Ce concept de mode musicale ne m’intéresse absolument pas, et si vous lui accordez la moindre pertinence, cela revient à dire que, s’intéresser, comme je le fais, à des musiques vieilles d’un demi-siècle n’a aucun intérêt, et je me demande ce que vous faites là.

Au contraire, je pense que si Justin Vernon a voulu convoquer des sons, des orchestrations datant d’une vingtaine d’années, c’est-à-dire de l’époque de sa petite enfance, c’est justement parce que cette “ringardise” dénoncée par certains n’est que l’expression d’un retour à l’enfance et à la poésie (vous comprenez mieux pourquoi je vous ai renvoyés à ce clip), et donc, la marque d’une authenticité et d’une vérité qui devraient faire taire ces critiques.

Il n’y a aucune distance, aucun second degré, aucune ironie dans “Beth/Rest”, il n’y a que l’expression la plus élevée d’un homme au sommet de son art.

 

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*voir ma chronique de “Towers”.

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