Il est ici nécessaire que, dès maintenant, je vous renvoie à ma précédente chronique sur Badfinger, “Name Of The Game”. Elle laisse Badfinger à l’orée d’une gloire naissante, avec cet album Straight Up, pourtant accouché dans la douleur.

Il était temps d’enregistrer un nouvel album*, et Badfinger, tout à leur ambition d’être enfin reconnus, et d’accéder à la célébrité, se dit qu’il fallait mettre un peu d’eau dans leur vin, c’est-à-dire un peu de boogie dans leur pop gracieuse. Et malgré ça, l’album est presque réussi, je veux dire qu’il renferme un certain nombre de bonnes chansons, et l’ensemble reste indubitablement du Badfinger.

Mais les problèmes de management allaient tout faire capoter. Et avant ça, il faut se souvenir qu’on est en 1973, c’est-à-dire à un moment où l’entité Beatles n’existait plus, et où ça se bagarrait pas mal entre les quatre garçons dans le vent. Retenez simplement que Ass est le tout dernier album, paru chez Apple, d’un groupe qui ne soit pas d’un ex-Beatle.

Et il y avait le salopard de Stan Polley, le manager américain de Badfinger qui se battait pour les faire signer chez Warner Bros. , parce que, pour lui, c’était beaucoup plus lucratif.

La conséquence de tout ce remue-ménage fut que la sortie d’Ass fut repoussée à novembre 1973 sur le territoire américain, et à mai 1974, au Royaume-Uni. Je vous rappelle que l’enregistrement d’Ass avait débuté dès les premiers mois de 1972, tout de suite après la sortie de Straight Up !

Les magouilles de Stan Polley firent qu’Apple ne put sortir Ass tant que n’était pas mis sur le marché le premier album Warner, qui allait s’appeler Badfinger.

C’est ce qui arriva, et, bien sûr, les deux albums se cannibalisèrent, et n’eurent, l’un et l’autre aucun succès. C’était fini pour Badfinger, pendant que Stan Polley ─ qui fut reconnu plus tard comme membre de la Mafia ─ se remplissait les poches avec le contrat Warner.

Voilà pourquoi le génie qu’était Pete Ham, ruiné, désespéré, se pendit dans sa maison du Surrey, le 24 avril 1975, à l’âge de 28 ans.

Tom Evans, lui, se battit encore quelques années, espérant au moins toucher les royalties du tube mondial qu’il avait co-écrit avec Pete, “Without You”,**que Joey Molland le guitariste (et seul membre survivant de Badfinger à l’heure où j’écris ces lignes) lui disputait. Il mit fin à ses jours de la même façon que son ami Pete Ham, le 19 novembre 1983.

Il est temps de revenir à la musique, et à l’enregistrement d’Ass, pour noter que leur producteur, Todd Rundgren, les quitta brusquement, après avoir enregistré deux chansons (les deux plus mauvaises du disque).

Mais il y a l’extraordinaire composition de Pete Ham, “Apple Of My Eye”, il y a la pochette de Ass, qui est un régal pour les psychanalystes, il y a “Timeless”, chef-d’œuvre de prog-rock, et il y a, bien sûr, “Icicles”, objet de cette chronique, composition de Joey Molland, que j’aime beaucoup, même si elle ne se hisse pas au niveau des chefs-d’œuvre précités. Pourquoi je ne vous fournis pas ces dernières ? Après m’avoir fait écrire une chronique de plus de 500 mots, c’est à vous de faire quelques efforts, non ?

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*Beaucoup d’informations de la chronique qui suit sont empruntées à l’article de Don Jacobson, à propos d’Ass, qui mérite d’être salué.

**voir ma chronique de ce titre.

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