Dans une récente chronique*, je vous disais que nous avions dû subir, de la part de Ramon Pipin, un silence de 24 années. Cette affirmation n’était pas tout à fait exacte.

Il faut, en effet, rappeler que la “couveuse” de Ramon Pipin fut un groupe qui eut son heure de gloire : Au Bonheur Des Dames. Et mes lecteurs de froncer les sourcils : qu’est-ce que cette bande de rigolos qui sont à la musique rythmée ce que Florence Foster Jenkins est à l’art lyrique, a à voir avec la musique un peu exigeante qu’OldClaude défend dans ce blog ? Rien du tout cher lecteur, et je ne m’attarderais pas plus sur cet orchestre que Ramon a quitté pour aller fonder Odeurs, à la fin de 1978.

Cependant, effet de la nostalgie, ou désœuvrement, Ramon et ses anciens compères se retrouvèrent une dernière fois en 2006 pour élaborer un nouvel album, Métal Moumoute.

Il y avait là les “historiques”, c’est-à-dire, outre Ramon Pipin, Gepetto Ben Glabros, Rita Brantalou, Jimmy Freud, Sharon Glory, Eddick Ritchell et Shitty Télaouine, auxquels s’étaient joints Fabrice des Dieux, Jean-Michel Tapdur et César Pompidou.

Fabrice des Dieux, Ramon Pipin et Thomas Noton, légendaire guitariste des Fantômes, se partageaient la production, mais si l’on en juge par l’identité du signataire de la plupart des chansons (19 !) qui composent ce cd, il n’est pas exagéré de dire que le principal maître-d’œuvre en était Ramon Pipin.

La chanson qui clôt ce disque m’intéresse particulièrement et on notera que c’est l’une des deux rescapées de cette époque que Pipin a conservée lors de ses concerts parisiens, ces dernières années.

Il s’agit donc de “Mes Funérailles”, chanson testamentaire, dont les années qui passent accentuent la pertinence. Elle est d’une grande qualité musicale, et je voulais attirer votre attention sur le fait que chacun des couplets est écrit dans une tonalité différente. Les musiciens sont, bien sûr Ramon, qui chante, s’occupe des programmations (avec Pierre Desmonts) et montre qu’il possédait de beaux restes à la guitare électrique, Fabrice (guitare et chœurs), César (batterie) et  Pierre Desmonts (basse).

Le propos de Ramon est simple : dans la continuité de sa vie de musicien et d’humoriste,  il annonce qu’il souhaite qu’on lui organise des funérailles, le moment venu, au cours desquelles les valeurs qu’il a prôné soient très présentes : danse, musique, jeux, blagues, refus des rituels religieux, choix bien orienté du journal qui publiera l’avis de décès, et cela va même jusqu’à négliger le sort réservé à ses cendres, ce qui pourrait nous mettre la puce à l’oreille.

C’est Thomas Noton qui prononce, en Anglais, la phrase qui termine la chanson, et qui est suivie, sur le disque**, d’une conversation post-enterrement au cours de laquelle les participants (parmi lesquels, et c’est très important, Pipin) après avoir prononcé quelques paroles convenues, infléchissent leurs propos et disent tout le mal possible du disparu. C’est le moment de remarquer que la chanson est dédiée à Hubert de La Motte Fifrée, ancien batteur, effectivement disparu, d’ABDD.

On comprend ainsi, que dans le but de se protéger d’un texte dont la charge émotionnelle pourrait vite lui devenir insoutenable, ce ne sont pas de ses propres funérailles dont Ramon nous entretient ─ même si chacun sait que l’ordonnancement minutieux de ses obsèques est la marque des personnalités qui possèdent un certain pouvoir ─ mais sans doute de celles d’Hubert (ce qui est nettement plus facile).

Il y a pourtant, me semble-t-il, une note authentiquement personnelle dans cette belle chanson : c’est le souhait d’être inhumé, non pas dans un cercueil, mais dans un étui de guitare, et pas n’importe lequel, celui de sa Gibson SG Standard, précisément désignée. Or, au cours de mes recherches pour écrire cette chronique, je me suis laissé dire que Ramon Pipin gardait chez lui une assez belle collection de guitares (bien protégée ; amis voleurs, passez votre chemin), au sein de laquelle on trouvait un étui vide : celui de sa SG, laquelle lui a été volée il y a de nombreuses années. C’est aussi pour combler ce vide que Ramon a écrit cette chanson.

*Voir ma chronique de “C’Est Mon Dernier Concert“.

**La chanson se termine à 2 mn 52, et il faut placer le curseur sur 5 mn 50 pour profiter de cette très intéressante conversation.

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