En pleine guerre des Falklands (guerre des Malouines, chez nous), Clive Langer compose une magnifique suite d’accords au piano, et demande à Elvis Costello d’écrire les paroles. Ce dernier, très fier du résultat, a l’idée de demander à Robert Wyatt de chanter.

C’est donc en août, quelques mois après la fin de la guerre, et ses 255  morts britanniques que paraît le single.

Clive Langer et Costello sont en studio avec Wyatt, et produisent le disque ; Clive joue de l’orgue, Elvis assure les chœurs, Martin Hughes joue de la batterie aux balais, ce qui accentue l’ambiance jazzy, Mark Bedford (de Madness) est à la contrebasse, Steve Nieve au piano. Et par dessus-tout ça, la voix de Robert Wyatt (qui avait d’ailleurs arrêté de fumer, ce qui est un bon moyen de préserver ce trésor vocal). Je vous le dis tout de suite, “Shipbuilding” a été repris par beaucoup de monde et pas des moindres, à commencer par Elvis Costello, lui-même, qui dans sa version de l’année suivante a quand même bénéficié, excusez du peu, de la présence du trompettiste Chet Baker. Je ne vous cite même pas les autres, mais retenez que personne n’arrive à la cheville de Wyatt. Cloué dans son fauteuil roulant, il est au-dessus de tous les autres.

Un mot sur le texte de Costello qui commence par cette question : “Is it worth it ?” “Cela en vaut-il la peine ?”, et qui, sans jamais nommer cette guerre des Malouines, raconte ce regain d’activité que connaissent les chantiers navals britanniques, ce qui est plutôt bon pour l’économie, mais qui va conduire bientôt la jeunesse de ce pays à mourir sur ces bateaux de guerre. Allez lire ces paroles, dont Elvis peut légitimement être fier. Ce n’est pas tous les jours qu’une œuvre musicale rassemble de cette façon une musique prenante et inspirée, un texte intelligent et émouvant et une interprétation d’une incroyable élévation artistique.

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