Si vous ne connaissez pas “Something On Your Mind” par Karen Dalton, vous avez une chance extraordinaire, parce que vous allez entendre, dans quelques instants, une chanson qui va vous briser le cœur.

Karen Dalton était une fille bizarre. Divorcée pour la seconde fois, elle s’échappe, à 23 ans de son Oklahoma natal, pour “monter” à New York, armée de sa Gibson 12-cordes et de son banjo à 27 frettes. Elle y joue et chante avec les artistes folk de Greenwich Village, Fred Neil, Bob Dylan, lequel en parlait comme de sa chanteuse préférée.

Mais, ne se sentant bien, ni sur scène, ni en studio, et en proie à des problèmes d’alcool et de drogues, elle fuit vers le Colorado ; c’est à cette époque qu’elle enregistrera son 2ème album, “In My Own Time”, produit par Harvey Brooks, qui s’ouvre par cette chanson, puis, plus rien jusqu’à sa mort, le 19 mars 1993, des suites du sida. Inutile de dire que ces deux albums n’ont eu aucun succès commercial !

Si vous êtes intéressé(e) par Karen Dalton, je vous conseille de vous reporter au passionnant livre de Pierre Lemarchand, paru aux éditions Le Camion Blanc : “Karen Dalton, le souvenir des montagnes”.

Quoique ayant écrit beaucoup de choses, et étant une grande lectrice, K. Dalton était une pure interprète, aucune chanson de ses deux albums n’étant de sa plume. “Something On Your Mind” est signée par Dino Valenti, pseudonyme de Chet Powers, le chanteur de Quicksilver Messenger Service. Accompagnant la guitare de Karen, on trouve, en particulier, la basse d’Harvey Brooks, la pedal steel guitar de Bill Keith, et surtout le violon de Bobby Notkoff.

La voix de Karen Dalton…Beaucoup de gens disent, c’est la voix de Billie Holiday*.

C’est, en tous cas, une voix de douleur, une voix de solitude, la voix de quelqu’un qui a déjà vécu plusieurs vies, toutes les vies. Je rejoins là l’opinion de Pierre Lemarchand ; à l’aube de ces années 60, où régnait la voix pure et cristalline de Joan Baez, annonciatrice de lendemains glorieux et pleins d’espoir, il n’y avait tout simplement pas de place, pas de reconnaissance, pour la voix désespérée de Karen Dalton.

 

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*et pourquoi ne dirait-on pas que Billie Holiday avait la voix de Karen Dalton ?

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