Même si je l’ai déjà fait dans ce blog*, ça me semble toujours très difficile d’écrire sur les Beach Boys. Prenez l’album “Surf’s Up”, par exemple, qui se termine par la chanson dont je vais vous parler, c’est déjà le 17ème album des Beach Boys. Il y a tellement de scories sur ces albums**, surtout sur ceux de la période Warner (et je ne parle même pas de la période CBS !) que j’ai tendance à considérer que la seule solution est celle du best-of, qui consiste à piocher ça et là dans les albums et les singles pour se faire une liste de lecture satisfaisante des 50 meilleures chansons (il faut bien ça !)***.
En 1971, ça faisait déjà 4 ans que Brian Wilson s’enfonçait dans une dépression probablement psychotique. Il ne jouait plus avec les Boys sur scène, remplacé par Bruce Johnston. Et son projet grandiose, “Smile”, avait été abandonné, 3 ans plus tôt. Les Beach Boys avaient quitté Capitol, leur maison de disques historique, pour signer chez Warner Bros. Records**** (division Reprise), mais l’album précédent, Sunflower, en dépit de grandes qualités avait été un échec commercial. Les Beach Boys étaient un groupe des 60’s et de la Californie hédoniste, et le public avait du mal à les associer à l’époque, alors que les luttes sociales et politiques venaient au premier plan. C’est alors qu’un journaliste véreux et mythomane, Jack Rieley proposa à Brian de propulser les Beach Boys dans la modernité, et fut intronisé manager.
Pour en revenir à “Surf’s Up”, la chanson date de 1966, et devait faire partie du projet “Smile”. “Surf’s Up” avait été composée assez rapidement par Brian Wilson, et Van Dyke Parks pour les paroles, dans le bac à sable de Brian*****, lequel jouxtait son piano, à l’intérieur de sa maison. C’est la raison pour laquelle Brian ne voulait plus y toucher et refusa, au début, de l’inclure dans le nouveau projet ; il y consentit, à contrecœur, sous la pression de Rieley.
Les pistes instrumentales de Surf’s Up” dataient de novembre 1966. Carl Wilson, qui avait été bombardé “Directeur Musical” par Rieley, ajouta une piste vocale dans la première partie. Quant à la deuxième partie (Child…)la piste de piano jouée par Brian n’était pas à la même vitesse, et il fallut ajuster les deux parties ; Carl y ajouta également des voix et un Moog. La voix soliste est celle d’Al Jardine.
Mais le miracle de “Surf’s Up” c’est que Brian Wilson est sorti de chez lui pour venir en studio avec ses frères.
Et ça donne quoi, tout ça ?****** Une des plus belles chansons des Beach Boys, toutes époques confondues ! On sait déjà que les Beach Boys, c’est la plus grande chorale de la pop music, chorale qui est ici au service d’une symphonie, comme seul Brian Wilson savait les écrire, un bijou de psychédélisme un peu maniéré d’une grâce et d’une inventivité totales. Il est très difficile de ne pas évoquer ici le mot de génie, galvaudé, certes, mais qui va si bien à Brian, génie foudroyé du plus grand groupe américain des 60’s.
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*voir ma chronique de “In My Room
**pour ne pas employer un mot de cinq lettres qui traduit un peu mieux ma pensée…
***Même devant un monument reconnu comme “Pet Sounds”, je ne me prosterne pas. Trop de remplissage à côté de chansons objectivement divines.
****où ils resteront de novembre 1969 à décembre 1972
***** Huit bennes de sable fin, à l’intérieur d’un petit muret.
******Commencez, quand même, par écouter la version primordiale de Brian qui figure sur le cd paru en 2004 chez Nonesuch : “Brian Wilson presents Smile”

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