Qui l’eût cru ? “Try A Little Tenderness” est une reprise. Un truc sirupeux des années 30 ; aucun intérêt. Aretha Franklin l’a chantée avant Otis. Oublié. Sam Cooke, aussi, mais là c’est important parce que Cooke était l’idole d’Otis, et il y a un lien de parenté entre les deux versions. Sam Cooke a beau être le père spirituel de tous les chanteurs de “soul”, la version d’Otis a effacé toutes les autres.

Et pourtant Otis ne voulait pas chanter TALT. Sous la pression de sa maison de disques (Stax/Volt, faut-il le rappeler), il décide d’enregistrer une version tellement geignarde qu’il est certain qu’elle sera refusée par les patrons. Raté ! Il s’agit de la version qui sera incluse dans ce qui sera le dernier album enregistré par Otis, et sorti de son vivant. Le titre complet est : “Complete & Unbelievable : The Otis Redding Dictionary Of Soul”. Il existe aussi une version “single”, un peu raccourcie.

“Dictionary Of Soul” est un album évidemment indispensable, avec beaucoup de reprises*, car c’était l’époque pendant laquelle Otis tentait le “crossover”, c’est à dire le fait, pour un musicien Noir de se faire accepter par le grand public Blanc. Il va réussir son coup au Festival de Monterey, au cours duquel, justement, il chantera TALT, mais, à ce moment-là, il ne sait pas qu’il lui reste 6 mois à vivre.

Les Memphis Horns, la section de vents d’Otis ouvre la chanson avec une phrase un peu pompeuse. Arrivent alors l’orgue de Booker T. Jones, le piano d’Isaac Hayes, responsable des arrangements, la basse de Duck Dunn et la suprême guitare de Steve Cropper. Otis donne à la population mâle qui l’écoute les indispensables conseils pour continuer à être aimé par les femmes qui partagent leur vie : “Essaie un peu de tendresse”…

Et puis le deuxième couplet commence, et curieusement, Al Jackson se met à taper tous les temps sur le rebord de sa caisse claire. Et puis, ça monte ; ce qui était un lac calme devient une mer bouillonnante. Tous les instruments haussent le ton, la sueur se met à couler ; et Otis qui relance, comme un prêcheur visité par l’Esprit Saint. On espère que ça ne s’arrêtera jamais, et, sur scène, ça pouvait se passer comme ça. Allez voir les différents enregistrements publics de TALT**, et en particulier celui de Monterey. Otis Redding éternellement vivant.

_________________________________________________________________

*Certains disent que sa version de “Day Tripper” fait pâlir celle des Beatles…

**dont un réalisé la veille du crash de l’avion.

Print Friendly, PDF & Email