Je vous avais, dans une précédente chronique*, dit un mot de l’accueil qui est généralement fait au treizième album de RE.M., Up. La fraîcheur de celui-ci me conduit naturellement, fidèle à ma fonction de défenseur des musiques méprisées, à mettre sur le devant de la scène un second titre de cette première œuvre post-Bill Berry.

Il n’est pas anodin de remarquer également que Up est le premier album de R.E.M. dont le livret comporte les paroles imprimées de toutes les chansons**. Comme si Michael Stipe, l’auteur de tous les textes depuis l’origine assumait ─ enfin ─ la paternité de ceux-ci, pour la bonne et simple raison qu’ils semblent enfin émaner d’un adulte un peu plus sûr de lui, mûr et responsable, qui accepte maintenant la confrontation avec les autres et avec lui-même. « I’m prepared to look you in the eye Look me in the eye ».

J’ai conscience de me laisser happer par la tentation de continuer à évoquer Up dans sa totalité, plutôt que de me concentrer sur la seule “Walk Unafraid”, mais il est vrai que comme toutes les œuvres d’une certaine importance, il faut sans doute prendre un petit peu de hauteur, ce qui conduit à voir l’ensemble plutôt que ses constituants pris isolément. C’est ce qui permet, par exemple de considérer Up comme une sorte d’album-compagnon de OK Computer (Radiohead)***.

Mais il faut revenir à ce splendide “Walk Unafraid”. Les guitares de Peter Buck n’ont sans doute jamais été aussi saturées, et on dirait bien que la batterie est tenue par un être humain, en l’occurrence, Joey Waronker, qui, à l’époque, travaillait avec Beck. Ce qui fait que, même si les synthétiseurs sont bien présents, “Walk Unafraid” pourrait être un titre du temps où R.E.M. était un quatuor. Le chant de Stipe est à son apogée. En tout cas je ne vois pas ce qu’on peut reprocher à Up, alors que je ne poserais certainement pas la même question pour les albums qui ont suivi. C’est d’ailleurs la grande qualité de R.E.M., cette honnêteté scrupuleuse qui les a conduits à se saborder lorsqu’ils ont estimé qu’ils n’avaient plus la possibilité de présenter à leur public une musique suffisamment bonne pour qu’ils puissent continuer à en être fiers. Citez-moi un autre groupe de notoriété mondiale qui, ayant abouti à cette conclusion en a tiré les mêmes conséquences ! Merci pout tout, Michael, Bill, Mike et Peter.

*voir “Falls To Climb”.

**Pratique qui se poursuivra avec les albums suivants.

***Nigel Godrich, producteur de OK Computer, a joué un rôle important dans l’enregistrement de Up.

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