Electric Ladyland est peut-être, pour Jimi, ce qu’avait été la 9ème Symphonie pour Ludwig Van Beethoven. Il n’y avait pas moyen d’aller au delà. Qu’on me pardonne cette comparaison, d’autant qu’il restera au Viennois à écrire les Derniers Quatuors, mais, pour en revenir à Hendrix, que s’est-il passé après Electric Ladyland ? Que son travail avec Buddy Miles ou avec Billy Cox soit d’un intérêt majeur, que les concerts de cette dernière période soient parmi les plus excitants qu’il ait pu donner, je n’en disconviens pas. Mais la trilogie magique Are You Experienced?, Axis: Bold As Love, Electric Ladyland était close, avec ce dépassement constant, cette montée vers l’inouï, au sens propre du terme, à laquelle on assiste en passant d’un album au suivant. Je suis persuadé qu’il ne pouvait pas y avoir de quatrième album de The Jimi Hendrix Experience*.

Electric Ladyland, le double-album, la pochette (britannique) avec les femmes nues, évidemment, aucune autre n’est acceptable**. Et “1983…”, qu’on ne peut séparer de “Moon, Turn The Tides, Gently, Gently Away” et qui nous offre un quart d’heure de l’Apocalypse selon Saint Jimi. Car “1983…” est un morceau apocalyptique dans lequel Jimi et son amour, Catherina, rescapés de la guerre qui ravage la terre, décident de revenir vers la mer pour y vivre, confiants, contrairement à leurs amis, dans la machine qui leur permettra de respirer sous l’eau. Les amants font l’amour sur le sable avant de s’enfoncer dans l’océan.

Je ne sens pas de la colère dans cette chanson, mais une grande mélancolie, la tristesse d’un départ définitif, prémonitoire, si l’on se réfère à ce qui se passera deux petites années plus tard.

Les sessions finales et le mixage ont lieu au Record Plant de New York*** sous la direction d’Eddie Kramer. C’est Jimi lui-même qui s’occupe de la production, et non plus C. Chandler. Il chante, joue de la guitare, en reprenant cette trouvaille du temps d’Axis : Bold As Love qui consiste à passer la piste à l’envers ; c’est également lui qui joue de la basse et trouve le moyen d’imiter le cri des mouettes avec un micro. Il utilise un flexitone, refait les prises qu’il ne trouve jamais parfaites, se cache pour chanter, peu sûr de sa voix, invite Chris Wood, en rupture de Traffic, à jouer de la flûte ; il y avait d’ailleurs toujours foule dans la cabine, et c’est l’une des raisons de la rupture professionnelle avec Chas Chandler qui ne supportait pas cette situation. Et Mitch, superbement inspiré, ne recule pas devant un rythme de boléro sur sa batterie…

L’un des titres les plus marquants  du Voodoo Chile, sur l’un des albums les plus importants de toute l’histoire de la musique pop.

“Merman” est tout simplement le masculin de “mermaid”, la sirène.

*Et pas seulement parce que Jimi ne supportait plus Noel Redding ! D’ailleurs Noel ne joue pas dans “1983…”, et à part sur “Little Miss Strange”, sa présence est anecdotique sur Electric Ladyland.

**Même si Jimi détestait cette pochette qu’il jugeait très inconvenante.

***L’un des tout premiers studios à être équipé en 16-pistes.

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