Il m’arrive parfois, histoire de prendre le contre-pied de mon ronchonnement habituel, de me féliciter de n’avoir pas choisi “le point de vue de l’album” pour évoquer toutes ces musiques que j’aime, mais d’avoir choisi de me concentrer sur certaines chansons.

Je me suis vite aperçu que ce positionnement n’était pas tenable, s’il prenait une allure trop rigide, et bien souvent, même si le titre de ma rubrique n’évoquait qu’une chanson bien précise, c’est bien d’un album complet dont je parlais.

Et là, il s’agit d'”Helplessness Blues”, dernière et grandiose livraison de Fleet Foxes (tiens ! il ne nous dit pas, comme d’habitude, qu’il s’agit du nième album du groupe ?!).

Mais il est difficile de parler de cet album, car il ouvrait manifestement de nouveaux chemins que le groupe ne s’est donc pas donné les moyens d’explorer plus avant.

En effet, et pour dire les choses rapidement, la découverte époustouflante du 1er album de Fleet Foxes nous avait présenté les Crosby, Stills & Nash de ce siècle (ouh là, je m’expose à de sérieuses critiques en écrivant ça, mais, j’insiste, c’est très schématique).

“Helplessness Blues” a perdu ce caractère solaire, cette luminosité ; il est beaucoup plus sombre, torturé, et l’on sait qu’il a été accouché dans la douleur. Mais attention, sa qualité artistique est au moins égale, sinon supérieure, même si elle ne se dévoile que plus lentement. Et là, contrairement à mes habitudes, je n’hésite pas à coller une étiquette sur ce disque : folk progressif.

Amis des 70’s, bonjour ! Je convoque, avec l’adjectif “progressif” les noms de Jethro Tull, de Yes, des Moody Blues, la liste est longue, et croyez bien que je les chéris toujours, car il est de bon ton de les dénigrer et mépriser aujourd’hui.

C’est muni de ce viatique que je m’aventure dans “Battery Kinzie”, chanson de prog-folk (je me demande même si le mot folk n’est pas de trop).

Le sextet de Seattle, emmené par Robin Pecknold (auteur, compositeur, chanteur principal, instrumentiste tous azimuts, co-producteur en compagnie de Phil Ek) bâtit un rythme marqué et répétitif qu’on croirait fait pour voyager, mais qui est celui de la triste destinée d’un amoureux trompé.

On me dira que “Battery Kinzie” n’offre pas les signatures rythmiques parfois tarabiscotées qui sont l’une des caractéristiques de la “prog” ; j’en conviens, non sans remarquer qu’il s’agit probablement de la chanson la plus “facile” du disque.

 Mais l’ambition du projet, l’ampleur et la richesse de l’instrumentation et de la production permettent quand même de dire que Fleet Foxes est loin des bases définies dans le “Sun Giant” EP de 2008.

Peut-être est-ce la cause de leur silence, depuis toutes ces années, même si j’ai entendu dire que Pecknold nous promettait quelque chose pour 2017. Je suis impatient.

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