Dans Either/Or, sur la même marche haute, inaccessible, qu'”Angeles”, à ce niveau où il m’est arrivé d’évoquer le mystère d’une chanson, il faut également déposer “Between The Bars”. Je veux bien admettre, avec Serge Gainsbourg, que la chanson est un art mineur, mais il y a, en effet, un mystère dans le fait que quelques notes de musique, ou une voix, entendues à la radio, et dont on ne perçoit, dans un premier temps que la dérisoire banalité, puisse se révéler comme une chose gigantesque, qui occupera, dans nos vies, une place équivalente.

Ainsi, “Between The Bars”. Rien de spectaculaire dans cette simple mélodie, ces accords de guitare, ou ce murmure intime qu’est la voix d’Elliott ; des centaines d’autres chansons ressemblent à ça, mais il n’y a que celle-là qui prend cette importance, qui transcende ainsi son être de chanson pour devenir quelque chose de plus grand que nous, qui nous porte et nous inspire. Il me faut juste préciser que j’ai employé le verbe “transcender” dans un sens qui n’est ni religieux, ni métaphysique, mais qui veut juste signifier que, le “tout” de “Between The Bars” excède la somme de ses parties.

Il faut, là encore, remercier Gus Van Sant et son film Good Will Hunting, dans lequel on pouvait entendre “Between The Bars”.

Je n’ai pas saisi le sens de “Between The Bars”. Elliott Smith non plus, d’ailleurs, qui évoquait une chanson impressionniste, cependant largement imbibée d’alcool, mais ça n’a aucune importance ; on ne sait pas quel sens accorder aux mots d’Elliott, mais on sait qu’ils sont parfaitement choisis.

Il ne vous reste plus qu’à laisser “Between The Bars” occuper cette place importante dans votre vie et dans votre sensibilité. Ou pas. Ça ne changera pas le fait que cette chanson est cruciale pour beaucoup de personnes, dans le monde entier, dont votre serviteur.

Là encore, je me suis amusé à écouter les différentes reprises de “Between The Bars” qu’on peut trouver sur YouTube ou ailleurs*. Inutile de dire que personne n’arrive à la cheville d’Elliott ; The Civil Wars, c’est joli, mais un peu trop esthétisant ; Metric est très agréable mais gomme toute la charge dramatique ; Agnès Obel est un peu trop alanguie. Deux versions se détachent, selon moi : Madeleine Peyroux, qui en donne une interprétation marquée par le jazz, et qui ne manque pas de puissance, et Isaac Delusion, qui sans du tout copier la manière d’Elliott, finit par être celui qui s’en rapproche le plus.

*Désolé, je n’ai pas écouté la reprise de Madonna.

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