C’est une autre chronique parue cette semaine*qui m’a donnée l’idée de pénétrer sur un territoire que je connais mal, et de vous en parler un peu comme un explorateur découvrirait une contrée inconnue.

J’étais un admirateur de Led Zeppelin**, mais j’ai été moins intéressé par les autres groupes de hard-rock (je pense, en particulier, à Black Sabbath), et c’est un peu le hasard qui m’a fait me procurer ce quatrième album studio de ce groupe du New Jersey, Monster Magnet, mené par leur chanteur et compositeur, Dave Wyndorf.

Si vous regardez la pochette (moche) de Powertrip, vous avez tous les ingrédients du hard-rock, cuir noir, cheveux longs feu de l’Enfer et “devil horn”***, et il y a 20 ans, j’avais apprécié ce mélange pas très subtil, mais efficace, de hard-rock et de rock stoner.

Car le maître mot de cette musique est sans doute “efficacité”, dans la mesure où il s’agit d’amener les auditeurs, et surtout les spectateurs, à un état proche de la transe, ce qui, outre la dimension psychologique de ce terme, en souligne la dimension sociale.

Comme dans tout rituel chamanique, un certain nombre d’éléments vont être convoqués pour atteindre cet état : les vêtements et la chevelure, car il s’agissait, surtout il y a 20 ans, de se distinguer du vulgum pecus (cuir noir..) et la longue chevelure était un accessoire très prisé lorsqu’on se laissait aller au “head-banging”****, moyen privilégié d’accéder à la transe, laquelle était atteinte encore plus rapidement grâce à l’alcool ou aux drogues.

On comprend ainsi que, dans le hard-rock, l’œuvre enregistrée ne soit qu’un produit d’appel pour inviter le participant à se joindre à la foule du concert, seul lieu de communion acceptable avec le groupe, et sa fonction chamanique. En outre, et c’est sans doute mon principal reproche à ce genre de musique, cette dernière existe surtout dans sa dimension utilitariste. C’est la raison pour laquelle elle est basée sur l’utilisation prédominante du “riff”*****, dont la répétition est la clé pour accéder à l’état de transe.

Vu sous cet angle, “Bummer” est un morceau rudement bien fichu, absolument idéal pour atteindre rapidement cet état particulier recherché par les amateurs.

Remarquons, pendant que nous y sommes, que la musique techno et les “raves” au cours desquelles elle se consomme et se danse, fonctionnent exactement de la même façon.

Il n’y a pas, de ma part, un jugement de valeur, et je ne voudrais pas être désigné à la vindicte des amateurs de hard-rock, dont les choix sont éminemment respectables. Disons simplement que la musique n’a pas, pour moi, la même fonction que pour un fan d’AC/DC ou de Monster Magnet. Elle est là pour me faire du bien, pour apporter à mon corps et à mon esprit, c’est-à-dire à ma personne prise comme une unité, le plaisir né de la rencontre d’une sensibilité extérieure avec la mienne, cette ouverture au talent ou au génie d’un ou de plusieurs artistes, voie d’accès privilégiée à une meilleure compréhension du monde, et de moi-même.

*Voir “Daphne Descends”.

**Il y aura une importante chronique sur un titre de Led Zep, ultérieurement.

***le signe des cornes, poing fermé avec index et auriculaire tendus est un signe de ralliement des hard-rockeux.

****Violents mouvements de tête en cadence avec la musique.

*****« Courte phrase musicale répétitive et facilement mémorisable, qui constitue le principal moteur de l’énergie et de l’excitation provoquées par le rock » (Rikky Rooksby)

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