Je vous ai déjà parlé de l’impact qu’a eu Family sur la formation de mon goût musical*, de ce magnifique premier album, pour moi l’un des plus importants de 1968, des concerts incroyables (9 juillet 1968 au Marquee, 15 juillet 1969, à Portsmouth, sans compter l’apparition au concert des Stones à Hyde Park, le 5 juillet 1969).

En tout cas, c’est avec une grande impatience que j’attendais leur deuxième album, qui paraîtra en février, Family Entertainment, produit par John Gilbert et Glyn Johns, et qui débute par cette extraordinaire chanson, “The Weaver’s Answer”, écrite par Whitney et Chapman.

Les paroles sont loin d’être inintéressantes, en ce sens qu’elles sont d’une inspiration très païenne, donnant la parole à un homme qui, sur la fin, voit se dérouler toute sa vie sur une tapisserie, jusqu’à s’adresser à celui qui l’a tissée et qui va en interrompre le cours, le Tisserand ; jolie interprétation du mythe grec d’Athéna et d’Arachné !

Family n’aimait pas trop la production et le mixage de leur album qui, une fois de plus ne restituait pas la sauvagerie de ce qui pouvait se passer pendant les concerts. Pourtant la version enregistrée est loin d’être indigne, introduite par Chapman, soutenu par la guitare de Whitney et le violon de Grech, avec la flute de King, en arrière-plan. Puis Townsend commence à marteler le rythme sur sa batterie, accompagné par la basse de Grech, jusqu’à un break instrumental qui permet à Jim King de mettre en valeur son talent au saxophone, relayé par la guitare de Whitney. Roger fait encore grimper l’intensité de sa voix à mesure qu’on se rapproche de la fin de la chanson, qui se termine doucement, comme elle a commencé, avec les arpèges d’une 12-cordes et le violon de Ric.

Mais, évidemment, c’est sur scène qu’il fallait voir et entendre “The Weaver’s Answer” !

C’était véritablement impressionnant de se rendre compte que ces types donnaient vraiment tout pendant un concert. Jamais d’économies chez Family ! L’intensité physique, sonore, instrumentale était leur maître mot, avec une mention particulière pour Roger Chapman, dont on avait l’impression qu’il chauffait ses cordes vocales à blanc, et qu’il allait bientôt se mettre à cracher du feu. Ses bras bougeaient dans tous les sens, et il frappait son tambourin avec une furie inédite, comme possédé par des forces surnaturelles. Les autres n’étaient pas en reste, et entraînés par la transe de Chappo**, paraissaient également habités par l’esprit du rock ‘ roll***. Si je devais citer 3 artistes dont l’engagement physique sur une scène avait un tel caractère jusqu’au-boutiste, je dirais volontiers Chapman, Pete Townshend (The Who) et l’Iggy Pop du temps des Stooges.

Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais un autre groupe de rock comme Family, et l’une de mes grandes satisfactions est d’avoir vécu à cette époque, et d’avoir connu ça.

*Voir mes chroniques “Peace Of Mind” et “Mellowing Grey”.

**Surnom de R. Chapman

***Je suppose que sur la vidéo qui accompagne cette chronique, Ric Grech n’est plus là (il avait quitté le groupe en avril 1969) et que c’est John Weider qui tient le violon et la basse.

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