Ce 27 octobre 1967, aux studios Olympic de Londres, on était presque à la fin de l’enregistrement du deuxième album de The Jimi Hendrix Experience, produit par Chas Chandler : Axis : Bold As Love, et c’était le “castle day” ; Jimi commençait à travailler sur “Spanish Castle Magic” et sur “Castles Made Of Sand”.

Magnifique chanson de Jimi, très personnelle*, avec ces trois histoires qui sont autant de rêves brisés ; celle de l’homme alcoolique que sa compagne met à la porte, ce qui ne peut pas ne pas rappeler son propre père à Jimi, celle du petit Indien tué dans son sommeil à la veille d’une bataille qui ouvrait pour lui un destin glorieux, et enfin, celle, plus ambigüe de cette jeune fille muette et paralysée qui se jette avec son fauteuil roulant du haut d’une falaise, et qui parvient à parler d’une vision qu’elle a avant de mourir.

La musique est également l’une des plus belles choses que Jimi ait composé ; les guitares sont, bien sûr, enregistrées normalement, avec ce splendide son clair de Stratocaster, mais les bandes sont utilisées à l’envers la plupart du temps, et Mitch Mitchell remarquait que Jimi ne laissait rien au hasard, et qu’il savait, en enregistrant les guitares, et en particulier l’inoubliable chorus qui suit le second couplet, exactement ce que tout cela donnerait quand les bandes seraient jouées à l’envers !

Mitch et Noel, à la batterie et à la basse, donnent l’assise rythmique parfaite à la chanson, et au chant de Jimi, dont vous pourrez remarquer qu’il est mi-parlé, mi-chanté, reflétant ainsi l’influence de Bob Dylan.

Une réflexion en passant : le répertoire de scène d’Hendrix n’a, à ma connaissance, jamais intégré “Castles Made Of Sand”, et d’une façon générale, très peu de titres d’Axis : Bold As Love**, lequel, rappelons-le a été enregistré en 16 jours de studio.***

C’est ce qui me donne envie de comparer Axis avec le Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles, publié quelques mois auparavant, qui lui non plus, n’a pas été conçu pour la scène. Seulement, là où il a fallu des années et 7 albums aux Fab Four, pour considérer le studio comme un instrument à part entière, quelques mois ont suffi à Jimi pour accomplir ces pas de géant qui mènent d’Are You Experienced? à Axis : Bold As Love, et qui trouveront leur aboutissement dans Electric Ladyland. Il ne s’agit pas ici de faire un concours mais simplement de souligner à quel point la créativité, pour ne pas dire le génie de cet homme, était à un niveau que peu de musiciens, tous styles et toutes époques confondues, ont su atteindre.

*Et même très autobiographique, pour ceux qui connaissent bien la vie de Jimi, le second couplet étant une métaphore de la vie de son frère, Leon, et le dernier évoquant certainement la figure de sa mère.

**”Spanish Castle Magic”, et, bien sûr, “Little Wing”.

***Sans compter que tout l’enregistrement original de la première face d’Axis a été perdu par Jimi dans un taxi. Tout a été refait en une journée.

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