C’est avec cette extraordinaire chanson que commence le deuxième album de Roxy Music, “For Your Pleasure”, celui avec Amanda Lear sur la pochette.

Mais, jeunes amis, ne vous précipitez pas pour acheter cet album, car à part “Do The Strand” et “Editions Of You”, le reste ne vaut pas grand chose, et mon intérêt pour Roxy Music a commencé à sensiblement baisser, à ce moment-là.

Mais un grand coup de chapeau à Bryan Ferry qui a composé cette irrésistible chanson à la gloire d’une danse imaginaire, et qui parsème les paroles d’un certain nombre de noms propres censés prouver sa proximité avec les milieux artistiques. Ce “name-dropping”─ cet anglicisme étant consacré par l’usage ─ était plutôt nouveau dans le domaine du rock, et Bryan cite La Goulue, Nijinsky, Mona Lisa, Lolita, Guernica…

En cette année 1973, l’humour devient une composante de la musique, car, bien sûr, toutes les paroles de “Do The Strand” sont à prendre au second degré, et Roxy Music a cristallisé ce moment de la musique populaire où un certain esprit “camp”* a pris le dessus, en réaction aux années “hippies” et au laisser-aller qui caractérisait la période précédente.

Aux côtés de Bryan Ferry, qui intervient parfois aux claviers, et dont le chant affecté convient parfaitement aux propos qu’il tient, on note la présence essentielle de Brian Eno aux synthétiseurs. Son départ prochain se fera cruellement sentir, mais Roxy Music compte heureusement d’autres musiciens talentueux, Phil Manzanera à la guitare, Paul Thompson à la batterie. Mais “Do The Strand” ne serait pas ce qu’elle est sans les interventions du saxophone d’Andy Mackay. La basse, en studio, était jouée par John Porter, qui tiendra brièvement ce même rôle, sur scène.

Et puis, il ne faut pas négliger le clin d’œil passéiste du Roxy Music originel dont certains traits esthétiques lorgnent vers les années 50 ; je ne parle pas simplement de quelques effets capillaires, mais surtout du saxophone, utilisé comme on le faisait 15 ans plus tôt. Et, peut-être, sans le savoir, Roxy Music a-t-il commencé à creuser le sillon de ce “retour vers le passé” qui sera l’un des mots d’ordre du mouvement punk, qui viendra, quelques années plus tard, balayer l’ordre ancien de la musique ; et Roxy Music sera compris dans le lot.

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*Là encore je suis obligé d’utiliser un anglicisme car il n’existe pas d’équivalent français à ce terme qui implique une attitude faite de sophistication, de théâtralisme, de maniérisme et d’élégance ostentatoire.

 

 

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