Encore une merveille que l’on trouve sur In A Glass House* , un morceau qui laisse une grande place aux instruments, mais qui met surtout en valeur la voix délicate de Kerry Minnear.

Il est très difficile de décrire ce morceau, que je ne me résous pourtant pas à qualifier de complexe. La raison en est qu’il est constitué d’un certain nombre de parties qui s’enchaînent (pendant 7 minutes 50), et que je vais très schématiquement essayer de vous articuler.

On entend, dans le lointain, les claviers de Kerry et la basse de Ray qui exposent un thème, puis arrive la voix pure et claire de Kerry soutenue par les claviers, la basse et des percussions.

John  installe alors un rythme sur sa batterie, alors qu’un nouveau thème est exposé par les instruments. C’est Ray qui mène la danse en reprenant, sur sa basse, le thème vocal du début.

Puis, se place un intermède vocal au cours duquel Kerry nous délivre une sorte de “chœur grégorien”, simplement accompagné à l’orgue. L’accalmie est de courte durée car John et Gary haussent le ton, pour permettre à Derek de rentrer en scène :

«Master inner voices, making the choices »

J’en profite, d’ailleurs, pour vous renvoyer aux paroles de cette chanson, qui sont d’une qualité et d’une maturité peu communes.

L’idiome rock s’affirme, avant un nouveau passage instrumental, marqué par des ruptures rythmiques, qui laisse à nouveau Derek, et surtout Gary, s’exprimer librement.

Puis, c’est le retour de la voix de Kerry, avant la fin ad lib marquée par la double scansion de John, qui construit ainsi une sorte de gigue.

C’est à Michael Bloom que j’emprunte quelques remarques sur (une toute petite partie de) la métrique de cette œuvre : il s’agit d’un rythme en 9/8 pendant la première moitié de la chanson, qui est, durant la partie vocale, phrasé comme un 5/8 avec un 4/8, alors que dans la partie instrumentale, on rencontre trois 3/8.

Ce qui est passionnant chez Gentle Giant, c’est également de suivre une œuvre en se référant à sa généalogie ou à son histoire.

Sa généalogie nous est accessible grâce à des coffrets de cd, édités par Alucard (le label créé par GG) qui documentent les répétitions, en studio, d’un certain nombre de chansons.

Le coffret Under Construction , par exemple, nous offre dans son cd2 une démo de Kerry qui s’accompagne au piano, dans une ébauche de “Experience”.

Quant à l’histoire, elle se raconte dans les différentes interprétations, en public, d'”Experience”, qui fut souvent joué sur scène. Sans prétendre à l’exhaustivité, je vous renvoie, tout d’abord à la version de Düsseldorf du 23 septembre 1976 (cd 35th Anniversary Edition et Alucard- 2000), à un medley du concert du 26 novembre 1974 à Rome (Live Rome 1974), à une John Peel Session diffusée le 17 décembre 1974 sur la BBC (Totally Out Of The Woods, cd2), au concert de New York du 18 janvier 1975 (King Biscuit Flower Hour), au concert de New York du 7 mars 1976 (In’terview in concert), à la version que l’on trouve sur l’officiel Playing The Fool (concert du 5 octobre 1976 à Paris), au concert de White Plains du 3 octobre 1975 (Endless Life et Live In New York 1975), au concert diffusé à la télévision allemande en 1974 et qu’on trouve sur l’indispensable DVD/cd Giant On The Box, au concert de Stockholm du 12 novembre 1975 (Live in Stockholm ’75), au concert de Hempstead (NY) du 3 juillet 1976 organisé pour les festivités du Bicentenaire (Live at the Bicentennial).

D’autre part, vous trouvez sur le cd2 du coffret Memories Of Old Days une version d'”Experience” provenant des répétitions du Pinewood Tour de 1977.

Il ne vous reste plus qu’à écouter et réécouter Gentle Giant, car s’il y a bien un groupe dont l’apport musical mérite le qualificatif d’inépuisable, c’est lui.

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*Voir ma chronique de “In A Glass House”

**La seule version “live” que j’ai trouvée sur YouTube fait précéder “Experience” par le tout aussi splendide “The Runaway”. Deux pour le prix d’un ! De quoi vous plaignez-vous ?

 

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