Le 7 février 1966, Brian Wilson commença à travailler sur cette chanson proprement miraculeuse qui allait devenir “Good Vibrations”.

Influencé par le travail de production de Phil Spector, piqué au vif par la réussite des Beatles, qui venaient de sortir “Rubber Soul”, déçu par la réception tiède faite à “Pet Sounds”*, Brian se mit en tête d’écrire et de réaliser une “symphonie de poche”. Les paroles sont dues à l’infâme Mike Love, qui décida d’en faire un hymne “flower power”.

Brian accumula, dans quatre studios différents, vingt-deux sessions d’enregistrement, en compagnie de musiciens professionnels, connus aujourd’hui sous le nom de “The Wrecking Crew”. Il y avait, par exemple Hal Blaine à la batterie, Carol Kaye à la basse**, un clavecin, un orgue Hammond, un violoncelle, une flute, un harmonica, et Paul Tanner qui jouait un Électro-Theremin de son invention.

Quant aux Beach Boys eux-mêmes, on reconnaît le baryton de Mike Love dans les refrains, mais la voix soliste principale est celle de Carl Wilson. Brian est responsable de certaines harmonies vocales, et Dennis ajoute, vers la fin de la chanson, quelques mesures d’orgue Hammond.

Ces sessions durèrent jusqu’en septembre et coûtèrent au bas mot $ 50,0000***, ce qui fit de “Good Vibrations”, le single le plus cher jamais produit. À la fin, Brian se retrouva à la tête de 90 heures de bandes magnétiques, qu’il se mit à découper et assembler comme s’il s’agissait d’un puzzle ou d’une mosaïque.

Pour ne pas trop alourdir mon propos, je renvoie ceux qui sont intéressés par l’analyse de la structure de “Good Vibrations” à l’article WikiPedia (en Anglais) très complet qui lui est consacré, et en particulier à ce qui est dû au théoricien de la musique Daniel Harrison.

Une autre façon de se repérer dans “Good Vibrations” est de le faire en découpant la chanson en 6 sections. Ainsi la section A, celle du début, commence par « I, I love the colorful clothes she wears » ; Carl (et, sans doute, Brian, qui double sa voix) chante, et les accords sont en mode mineur.

La section B commence par « I’m pickin’ up good vibrations » et passe en mode majeur, alors que la voix soliste devient celle de Mike Love. L’instrumentation fait intervenir l’Électro-Theremin et le violoncelle, et les chœurs prennent une importance considérable.

Le début du morceau est donc A-B-A-B (0.00-2.01).

Puis, on repère une section C « I don’t know where but she sends me there » (2.01-2.21) très psychédélique, et une section D «Gotta keep those lovin’ good vibrations a-happenin’ with her », très solennelle , avec les maracas, l’orgue d’église (2.22-2.57) et les voix qui se mettent au diapason, vite remplacées par l’harmonica.

Enfin, se place une section B’, assez semblable à la section B, sauf que les harmonies sont descendantes, une section E où les voix ne prononcent plus de mots, et sont simplement soutenues par le tambourin, et la section F finale où les vibrations se matérialisent par la réapparition de l’Électro-Theremin et du violoncelle. Pour résumer, la structure de “Good Vibrations” est A-B-A-B-C-D-B’-E-F.

Je veux bien admettre que la musique populaire ne mérite pas toujours d’être élevée à la dignité d’un Art, avec ce que cela implique de visée vers le Beau, mais, en ce qui me concerne je n’hésite pas un instant à accorder à “Good Vibrations”, l’une des plus célèbres et magnifiques chansons pop de tous les temps, le statut d’œuvre d’Art.

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* L’album ne sortira qu’à la mi-mai, et “Good Vibrations” sera édité en simple le 10 octobre 1966.

**Cependant, aucune des pistes qu’elle a enregistré ne figure sur le single ; celles-ci reviennent à Ray Pohlman.

***au moins $ 400,000, aujourd’hui.

 

 

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