Il y a quelque chose d’un peu embêtant avec le génie, c’est que, comme le Soleil dans le ciel dont la présence empêche d’apercevoir la moindre étoile, il masque tous les talents qui l’entourent et qui mériteraient d’être reconnus.

C’est un peu ce qui est arrivé avec cette chanson rien moins que géniale, qui figurait sur le premier album de Chocolate Genius, Black Music.

“My Mom” m’a littéralement empêché de m’intéresser à l’œuvre et à la carrière de Marc Anthony Thompson, Américain d’origine panaméenne, et à la tête d’une discographie qui comprend, à ce jour, sept albums.

Mais je ne connais rien d’autre de Chocolate Genius que ce “trou noir” qui s’appelle “My Mom”, et dont la force d’attraction est telle que nulle lumière ne peut en sortir.

Le texte vous arrache des larmes. Le chanteur va visiter la maison où il habitait avec ses parents ; cinq ans se sont écoulés, et sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, est dans une institution ; elle en est au stade où elle a oublié le nom de son fils. Histoire vécue, bien évidemment, par Marc Anthony Thompson.

Dire que cette chanson est triste, ce n’est rien ; elle est poignante, déchirante ; elle est un résumé de la tragédie qui frappe l’espèce humaine, de l’inéluctable victoire du malheur.

Chocolate Genius chante ça sans aucune distance, batterie, basse, assez loin, piano et orgue ; rien n’est feint, rien n’est joué, rien n’est faux. C’est lui, sa douleur, ses souvenirs, son deuil.

Je pense au fait que lors de la sortie de l’album, il était obligé de jouer tous les soirs cette chanson, ardemment réclamée par le public. Torture évidente. Un jour il n’a pas pu, et a cessé de l’interpréter. Ce n’est qu’après le décès de sa mère qu’il a, parfois, accepté de chanter “My Mom” en public, et qu’il a pu dire que ça lui faisait du bien, parce qu’il pouvait, de cette façon la retrouver. Trou noir.

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