Bon, d’accord ; je suis séduit par Lana Del Rey.* Ses yeux, sa bouche, son corps, sa voix. Est-ce une raison suffisante pour passer quelques précieuses heures à écrire une chronique qui ne sera lue que par quelques personnes ? Oui. Parce que, je le proclame avec encore plus de force : Lana Del Rey est une artiste ; elle a une vision du monde ; elle n’est pas que le jouet de l’Industrie, elle n’est pas qu’une machine à cash.

On a découvert “Ride” sur une réédition de son album “Born To Die” connue sous le nom “The Paradise Edition”. Mais, pour apprécier cette chanson à sa juste valeur, c’est vers la vidéo, écrite également par Lana, qu’il faut se tourner. Cette vidéo dure, en effet, plus de 10 minutes, là où la chanson n’occupe que la moitié de cette durée ; cela s’explique parce que la chanson est précédée et suivie par un long monologue parlé. Il est donc indispensable de lire attentivement les paroles.

Et tout d’abord, le monologue qui précède la chanson :**

“J’étais dans l’hiver de ma vie et les hommes que j’ai rencontrés le long de la route étaient mes étés. La nuit, je m’endormais avec des visions de moi dansant, chantant et pleurant avec eux. Trois ans d’un tour du monde sans fin, et mes souvenirs ont été les seules choses qui m’ont soutenu et mes vrais seuls moments de bonheur. J’étais une chanteuse, pas très populaire, qui avait jadis le rêve d’être un grand poète – mais par une série d’événements malheureux, a vu ses rêves effacés et brisés comme un million d’étoiles dans le ciel de la nuit. Mais je m’en fichais parce que je savais qu’il est possible d’obtenir ce que vous avez toujours voulu, puis le perdre et alors savoir ce qu’est la réelle liberté. Quand les gens que je connaissais ont découvert la façon dont je vivais, ils m’ont demandé pourquoi. Mais ça ne sert à rien de parler à des gens qui ont une maison, ils n’ont aucune idée de ce que c’est que de chercher refuge chez d’autres personnes. J’ai toujours été une fille étrange, ma mère me disait que j’avais une âme de caméléon. Pas de boussole morale indiquant le nord, sans personnalité fixe. Juste une fermeté intérieure aussi large et vacillante que l’océan. Et si je disais que je n’avais pas prévu que tout soit comme ça, je mentirais, parce que je suis née pour être l’autre femme. J’ai appartenu à une personne qui appartenait à tout le monde, qui n’avait rien, qui avait une obsession pour la liberté qui m’a terrifiée au point que je ne pouvais même pas parler et m’a conduit à un point où la folie m’a éblouie et étourdie.

Puis la chanson elle-même, bien écrite, dans la ligne de ce qui précède, avec ces étranges notations qui indiquent que Lana Del Rey ne s’aime pas trop ; et, enfin, le monologue parlé qui clôt la chanson :

Chaque soir, j’avais l’habitude de prier pour que je trouve des personnes sur une route ouverte. Nous n’avions rien à perdre, rien à gagner, rien que nous ne désirions plus, sauf celle de faire notre vie une oeuvre d’art. Live Fast. Die Young. Be Wild. And have fun. Je crois en le pays qu’a été l’Amérique. Je crois en la personne que je veux être, je crois en la liberté de la route. Et ma devise est toujours la même, je crois en la bonté des étrangers. Et quand je suis en guerre avec moi-même, je roule. Je continue de rouler. Qui êtes-vous? Etes-vous en contact avec vos fantasmes les plus sombres? Avez-vous créé une vie pour vous-même où vous êtes libre d’en faire l’expérience? Je l’ai. Je suis une putain de folle, mais je suis libre.”

On m’objectera que ce n’est pas du Rimbaud, et on aura raison. Mais, tout de même, il s’agit d’un texte dans lequel cette jeune femme de 26 ans expose, sans fards, ce qui sans doute le cœur de sa personnalité, et ce n’est pas aussi fréquent que ça dans le monde, parfois superficiel, de la musique populaire.

Quant à la musique qu’on doit, comme d’habitude, à Justin Parker, sans toucher au génie, elle est d’une qualité constante, et fait honneur à cette grande artiste qu’est Lana Del Rey.

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*voir mes chroniques de “Video Games” et de “Summertime Sadness“.

**Je remercie beaucoup Lili, qui publie cette traduction sur le site français des admirateurs de Lana Del Rey.

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