Je n’ai jamais été spécialement intéressé par la country music traditionnelle, et jusqu’à 1994, la carrière de Johnny Cash m’était quasiment inconnue. D’ailleurs les années 70 et 80 avaient représenté une lente dégringolade pour cet homme usé par une vie passée dans la “fast lane”. La rencontre avec Rick Rubin sera donc une rédemption.

Et pourtant, a priori, rien ne prédisposait ce producteur, spécialisé dans le punk et surtout le rap, à relancer la carrière finissante de l’Homme en Noir. Son idée était pourtant simple : il s’agissait d’enregistrer Cash, d’une façon minimaliste, avec un répertoire de reprises, chez lui, dans sa maison du Tennessee. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il y eut neuf parutions, et seules les quatre premières furent éditées du vivant de Johnny Cash. Un peu de pédagogie ne nuisant pas, les voici :

  1. American Recordings (1994)
  2. Unchained (1996)
  3. American III : Solitary Man (2000)
  4. American IV : The Man Comes Around (2002)
  5. American V : A Hundred Highways (posthume 2006)
  6. American VI : Ain’t No Grave (2010)
  7. J. Cash/Willie Nelson – VH1 Storytellers (live de 1994 produit par Rubin, mais ne faisant pas partie des American Recordings)
  8. Cash – Unearthed (coffret – 2003)
  9. American Rarities : Heart Of Gold (compilation 2010)

J’ai choisi de vous entretenir du disque de 2002, American IV : The Man Comes Around, et je vais même, cette semaine, y consacrer deux chroniques, en commençant par la chanson “Streets Of Laredo”.

“Streets Of Laredo”* est une chanson de cow-boys traditionnelle que Cash avait déjà enregistrée en 1965 et que l’on trouve sur son album “J. C. Sings The Ballads Of The True West” ; il y a force violons, et le côté sirupeux des arrangements ne m’a pas tellement séduit. Rien de tel avec l’enregistrement supervisé par Rick Rubin !

Il y a d’abord la voix de Cash, la voix fatiguée, épuisée, de cet homme, qui mourra quelques mois plus tard, le 12 septembre 2003, mais en même temps, une voix qui ne veut pas se rendre, la voix d’un homme qui jette ses dernières forces dans un combat qu’il sait perdu d’avance, mais auquel il ne veut pas renoncer.

Johnny Cash s’identifie à ce jeune cow-boy qui va mourir et qui reconnaît qu’il a commis des erreurs, qui donne des instructions pour son enterrement, qui admet sa défaite, et ne transige jamais avec sa dignité.

La production de Rick Rubin est d’une intelligence et d’une discrétion remarquables : Cash et Randy Scruggs jouent  de la guitare acoustique, Benmont Tench** est au piano et à l’harmonium, Laura Cash***, au violon. L’accent est mis sur la voix inoubliable de Johnny, et sur la guitare ; les claviers et le “fiddle” rentrent discrètement, sans que jamais notre attention se tourne vers eux.

L’une des musiques les plus émouvantes de ce début de siècle, par un homme du siècle dernier.

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*Laredo est une ville du Texas.

** qui joue habituellement avec les Heartbreakers de Tom Petty.

***l’une des grandes spécialistes du “fiddle”, le violon country, épouse du fils de J. Cash.

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