J’avoue : je ne fais pas partie des dylanophiles invétérés. Il est temps, maintenant, que je revienne sur mes années d'”ouverture” à cette musique, pour expliquer un peu pourquoi.
Certes, c’est Elvis Presley qui m’a fait comprendre qu’il pouvait exister autre chose que la chanson française traditionnelle, ou le jazz new-orleans que je pouvais entendre chez mes parents, mais, comme beaucoup d’adolescents des 60’s, ce sont, évidemment, les Beatles qui ont déclenché cette déflagration dont je ne suis pas, à ce jour, remis.
Et c’est donc avec le Swinging London, Carnaby Street, le British Blues Boom, et tous ces groupes anglais partant à l’assaut de la citadelle américaine, que je me suis plongé dans le bain. Autrement dit, ma culture musicale est fondamentalement européenne.
Puis Dylan est arrivé. La pochette de”The Freewheelin’ B. D., avec Suze Rotolo pendue au bras d’un Dylan frigorifié dans une rue déserte de Greenwich Village, en 1963. Et toutes ces chansons extraordinaires… Ce qu’on oublie souvent, c’est l’influence qu’ont pu avoir les musiciens de la scène folk anglaise, en particulier Martin Carthy et Bob Davenport, rencontrés lors d’un voyage et de concerts en Angleterre. Oserais-je dire que c’est cette influence anglaise qui m’a attachée à ce disque ?
Et l’album suivant, The Times They Are A-Changin’, qui s’ouvre sur cette chanson, justement, qui martèle l’opposition frontale et irréductible entre ma génération et celle de mes parents. On ne chanterait plus ça aujourd’hui ! Mais, à l’époque, les gens qui aimaient cette musique ne pouvaient pas être vieux. Et seule la jeunesse représentée par Bob pouvait avoir l’ambition et le courage de changer le monde. On voit ce que c’est devenu, un demi-siècle plus tard. Passons.
Mais “The Times…” est une chanson remarquable, voix, guitare, harmonica, et surtout tellement sérieuse. The Beatles ne m’avaient pas habitué à autant de sérieux, voire de noirceur, et ce réveil de l’Amérique, un peu secouée d’être envahie par les hordes chevelues anglaises, allait faire basculer le rock dans l’âge adulte.

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