Je vous avais déjà, dans une précédente chronique, livré quelques réflexions sur ce genre musical à part entière qu’est l'”album de reprises”*. Mais il faut savoir que le genre est aussi très prisé par Mark Kozelek, l’un de mes “grands hommes”, lequel, en dépit du fait que je l’ai coiffé de la couronne de “plus grand parolier américain contemporain”**n’a jamais manqué une occasion de reprendre les mots d’autres auteurs, par exemple AC/DC, avec l’album What’s Next To The Moon.

Mais, avec ce deuxième album sous le nom de Sun Kil Moon, Mark a choisi de reprendre un groupe américain plutôt obscur, Modest Mouse.

Il se trouve que je ne connais pas Modest Mouse. Mais il y a des critiques beaucoup plus érudits que moi, qui eux connaissent Modest Mouse, et qui, dans leur grande majorité, estiment que ces reprises sont bien inférieures à l’original. Je ne peux, évidemment, pas prendre position dans ce débat, mais tout ce que je peux dire, c’est que j’aime beaucoup Tiny Cities et cette chanson, “Tiny Cities Made Of Ashes” dont je signale aux amateurs qu’elle figure initialement sur l’album de Modest Mouse, The Moon And Antarctica (2000).

Comme à son habitude, Mark fait du Kozelek, quoi qu’il chante ou interprète, et c’est avec cette virginité découlant de mon ignorance que j’estime que TCMOA est une chanson très réussie. La voix fatiguée et désabusée de Mark est portée par cette guitare obsessionnelle, et pourtant d’une grande légèreté, égrenant un accord aussi immuable que le malheur qui s’abat sur les êtres humains. Et il fait siennes les paroles de Modest Mouse, lesquelles semblent inspirées par The Great Gatsby de F. Scott Fitzgerald, les chantant avec une tendresse et une douceur qui tentent de démentir les terreurs suggérées par le texte.

La morale de cette histoire est qu’il vaut peut-être mieux aborder une reprise comme s’il s’agissait d’une chanson originale, et que les tenants d’une interprétation plutôt éloignée de celle des créateurs ont plus de chance de réussir leur coup que ceux qui se mettent dans les pas de ces derniers.

*Parmi mes différentes chroniques dans lesquelles j’évoque la question des reprises, je citerais spécialement “Wild Thing”, “Streets Of Laredo”, “You Tore Me Down”, “Bye Bye Beauté” et “Natural One”.

**Voir, par exemple, ma chronique de “San Geronimo”.

 

 

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