Ce titre qui figure sur cet album de Missy “Misdemeanor” Elliott, “Miss E… So Addictive” est également une bombe rythmique comme on en fait peu. C’est également le résultat de la collaboration de longue date entre Missy et Timbaland (ils se connaissaient depuis l’école), au point qu’il s’agit d’un duo entre les deux compères.

Sur une base rythmique d’une efficacité absolue Missy et Timbaland installent un dialogue ponctué par des “whatcha gon’ do”, à l’unisson de la ligne de basse. C’est absolument imparable et extrêmement dansant.

Cependant, j’ai habituellement une certaine expertise sur la musique dont je parle, et là, pas du tout ! Je ne peux pas nier que ma situation de sexagénaire blanc et européen, me met dans une certaine extériorité par rapport à cette musique, aggravée par le fait que je n’en connais ni l’histoire, ni les acteurs. Je vous demande donc toute votre bienveillance pour cette chronique, et plutôt qu’essayer de jouer au type qui connait quand même son sujet, je vais assumer cette situation de candide, et vous livrer une ou deux réflexions sur ce que cette musique évoque en moi.

Ce qui est tout à fait fascinant dans le rap, c’est ce parti pris de déconstruction artistique qui vise à poser comme nouvel objet artistique un mode d’expression radicalement opposé à celui en usage, jusque là, dans ce domaine. En d’autres termes le langage parlé est directement assigné à la place qu’occupait autrefois la langue chantée, et ce basculement m’évoque très fortement l’invention, par Marcel Duchamp, en 1915, des “ready-made”, c’est-à-dire d’objets triviaux acquérant le statut d’objet artistique par le simple choix de l’artiste.

On me rétorquera que le rap n’ignore pas la notion de compétences (rythmique, mélodique, harmonique…), et que la façon dont les artistes ont de scander les mots suivant une métrique particulière (le “flow”) rend sa réalisation inaccessible à la plupart d’entre nous.

Ce qui m’amène, évidemment, à ne pas minimiser l’environnement culturel dans lequel s’épanouit le rap, c’est à dire les banlieues des grandes métropoles américaines, et les jeunes Noirs qui y habitent et qui cultivent un langage argotique, nécessaire pour échapper aux tracasseries policières.

Très sommairement exposées ici, ces conditions socio-culturelles ont créé, avec le rap, et la rupture esthétique qu’il promeut, la seule forme musicale nouvelle du XXIème siècle.

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