Je dois avouer que lorsque j’ai acheté ce cd de Bon Iver, 22, a Million, mon premier sentiment a été la déception. Il faut dire que j’avais été littéralement enthousiasmé par l’album précédent, Bon Iver, Bon Iver*, sans doute l’un des 2 ou 3 meilleurs disques de l’année 2011. « Barbant !» m’a dit quelqu’un dont je respecte les goûts, et j’avais du mal à me dire qu’il avait complètement tort. Et pourtant je voulais trouver un moyen de “sauver le soldat Bon Iver”, car comment imaginer que l’un des grands créateurs de cette décennie (y compris si l’on a du mal à supporter son falsetto, ce qui n’est pas mon cas) puisse sombrer dans la médiocrité. La seule voie de salut était la scène, car me souvenant de concerts parisiens extraordinaires (29 octobre 2011, 15 juillet 2012), il était important que je puisse juger ces nouvelles chansons dans ce contexte.

Il suffisait simplement d’aller regarder sur YouTube le merveilleux concert donné à l’Opéra de Cork, en Irlande (et diffusé par ARTE) pour être pleinement rassuré sur la puissance créative, l’ambition et la maîtrise de Justin Vernon et ses amis. Il avait suffi simplement, comme je l’avais fait, d’être parmi les spectateurs de la salle Pleyel, le 22 septembre 2017, afin d’assister à l’un des plus grands concerts de l’année, pour être certain que Bon Iver continuait à représenter la plus haute expression, j’aurais envie de dire l’honneur, de la musique pop.

Alors, bien sûr, pour en revenir à ce disque un peu glacial, arrogant, avec ces titres de chansons faits de chiffres ou de mots incompréhensibles, on a le droit de manifester un peu d’agacement. Mais on n’a pas le droit de ne pas suivre Bon Iver, notre guide vers ces régions escarpées de la plus haute création artistique.

La vidéo jointe à cette chronique est justement celle de 8 (circle) à Cork** ; une douzaines de choristes s’installent derrière leurs micros. Justin est derrière un clavier électronique, son casque sur les oreilles ; la batterie de Sean Carey marque discrètement le tempo ; Michael Lewis est également aux claviers ; la salle est présente, attentive, respectueuse… On laissera le dernier mot à Justin, qui, vers la fin du concert s’exclamera : « This is not entertainment ; this is a spiritual fucking thing !».

*Je vous rappelle que ce ne sont pas moins de six chroniques que j’ai consacrées à cet album : “Perth”, “Calgary”, “Michicant”, “Holocene”, “Beth/Rest” et “Towers”

**Cette vidéo n’est plus disponible sur YouTube.

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