Il faudrait sans doute commencer par relire la chronique “Hope There’s Someone” que j’écrivais, il y a quelques mois à propos d’une chanson d’Antony, parue sur un cd plus ancien que celui-ci. Je pense à peu près la même chose d'”Another World” et de l’album The Crying Light. Cela dit, j’aurais même tendance à être un peu plus sévère, car un nouvel élément est venu aggraver le cas d’Antony, enfin, pour moi, car inutile de vous dire que cet album a été encensé par la critique unanime, et qu’il a été classé dans les meilleures ventes de disques de cette année 2009.  Je veux dire que ce disque est prétentieux ; il pourrait n’être que raté, il en devient ainsi ridicule, à l’image de la photo de pochette représentant Kazuo Ohno, célèbre danseur de butô, admiré par Antony. Les goûts d’Antony sont honorables, le problème n’est pas là, mais avec cette magnifique photo, de même qu’avec chaque centimètre carré de cette pochette, notre chanteur semble proclamer : «Je fais de l’Art», et j’ai du mal à y voir autre chose que de la prétention.

 De plus, je suis un peu gêné par le fait qu’absolument toutes les critiques mettent en avant la problématique transgenre d’Antony ─ que l’on ne connaîtra plus bientôt que sous le nouveau prénom d’Anohni ─ et qu’on finit par ne plus savoir s’il s’agit de saluer le courage d’Antony pour porter dignement la revendication d’une identité enfin conforme à ses vœux, ou bien s’il s’agit d’analyser une œuvre musicale indépendamment de la problématique de celui qui la porte.

Cela dit, j’ai réécouté l’intégralité de The Crying Light, le piano omniprésent, les cordes si chic de Nico Muhly, la voix d’Antony, qui semble ne connaître qu’un unique registre d’expression : la lamentation, et, à la notable exception de “Another World”, il m’a semblé que ce disque ne renfermait aucune des entités qui font que je m’intéresse à la musique populaire, je veux parler des chansons. Quelques vagues fragments mélodiques d’une banalité confondante, sans que cela ne prenne vraiment forme, et qui finissent par m’ennuyer assez profondément. Je reconnais cependant qu’il n’y a ni cynisme, ni calcul, dans la démarche de l’artiste, et je ne remets pas en cause sa sincérité, mais il est probable que l’unanimisme politiquement correct de l’ensemble des commentateurs a fait pencher la balance de cette chronique du mauvais côté.

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