Je me souviens avoir acheté ce cd, “Original Pirate Material” lors de quelques jours passés à Londres, au printemps 2002. Et pourtant, quoi de plus éloigné de mes références culturelles de bourgeois des beaux quartiers parisiens que cette première œuvre de The Streets, qui était le nom sous lequel se cachait Mike Skinner, 22 ans ?

Un éblouissement. Enfermé dans sa chambre de Brixton, pendant un an, avec son sampler et son ordinateur, Skinner nous laisse entendre la voix de l’Angleterre prolétaire avec une force et une authenticité que n’auront jamais tous les bouquins de sociologie parus sur la question.

“It’s Too Late” n’est jamais sorti en single, mais c’est mon morceau préféré sur cet album, qui est, de toutes façons, une réussite, de bout en bout. Skinner revendique des influences américaines (Wu-Tang-Clan…) mais il a également écouté Massive Attack, et plein d’autres choses, comme l’electronica, le two-step, la drum n’ bass.

Il en fait un langage personnel ; les rythmes sont simples, les samples aériens, et il décrit, avec les mots de tous les jours, son quotidien et celui des gens qu’il connaît : ennui, chômage, tristes bitures, pubs, fish and chips, très loin des voitures, des boîtes de nuit, des bimbos et du plaqué or célébré par le rap américain.

Je me suis penché assez longuement sur les paroles de “It’s Too Late”, et, même si j’ai compris qu’il s’agit de l’échec d’une relation amoureuse, j’avoue que j’ai souvent buté sur le sens de certaines tournures de langage des banlieues londoniennes. Mais il m’en reste assez pour avoir très souvent envie de retourner vers la voix de Mike Skinner, avec son accent “cockney” à couper au couteau, et la mélancolie qui imprègne chacune de ses paroles. Skinner comme héritier de François Villon (1431-1463) ? Pourquoi pas !

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