C’est amusant, parce que dans une autre chronique parue cette semaine*, j’évoque un album important paru en 1968, qui s’est vendu à 800 exemplaires, et je vais évoquer, dans celle-ci un autre album important de 1977, Rumours, qui s’est vendu, lui, à 48 millions d’exemplaires !

Et le pire, c’est que cet album est bon ! Il est bon parce qu’il possède une cohésion très forte, c’est vraiment l’album d’un groupe soudé, d’un gang ; et en même temps, chacune des cinq personnes qui le composent vit la destruction de sa relation amoureuse avec l’une des autres personnes du groupe.

Petit rappel historique : en 1974, le groupe de blues britannique Fleetwood Mac, pas excessivement connu, cherche un guitariste pour remplacer Bob Welch. On suggère Lindsay Buckingham, lequel a sorti un album avec sa petite amie, Stevie Nicks. Les trois Britanniques, Mick Fleetwood, John McVie et son épouse Christine, héritent donc d’un couple de musiciens américains. Dès le premier album de la nouvelle formation, Fleetwood Mac, le succès est au rendez-vous, avec la 1ère place au Billboard. Tout semblait sourire au quintet anglo-américain, sauf qu’en 1976, les problèmes personnels prenaient le pas sur les réussites artistiques : John et Christine McVie ne se parlaient plus, Lindsay et Stevie avaient rompu, et Mick Fleetwood divorçait d’avec Jenny, la mère de ses enfants.

C’est dans ce contexte que fut programmé l’enregistrement du nouvel album au Record Plant. Le groupe déménagea à Sausalito, les trois hommes partageant une maison, pendant que Christine et Stevie louaient des appartements séparés. Je vous renvoie à l’autobiographie de Mick Fleetwood (1990) pour avoir tous les détails de ces semaines de folie pendant lesquelles les cinq n’eurent d’autre issue que de se plonger dans une recherche de perfection musicale, au point qu’ils passèrent 4 jours de studio, pour simplement accorder un piano ! Neuf semaines passèrent ainsi, puis le groupe fit le point et s’aperçut que ce premier travail ne lui donnait pas satisfaction. Tout fut mis à plat, redécoupé, refait, et l’été arrivant, le groupe se lança dans une tournée coïncidant avec le succès grandissant de Fleetwood Mac. Tant et si bien que l’enregistrement de ce nouvel album, qui avait débuté au début de l’année se termina à la fin de 1976. Et pourtant, de ce chaos ─ fortement saupoudré de cocaïne ─ émergea une œuvre parfaitement cohérente et d’une grande qualité artistique, dont le premier single, paru en décembre, “Go Your Own Way”, donna une magistrale idée.

Les trois compositeurs, Stevie, Christine et Lindsay n’ont pas pu faire autrement que de centrer leurs textes sur cette désagrégation amoureuse, et la chanson que j’ai choisi de mettre en avant, et qui ouvre Rumours, “Second Hand News”, illustre bien cet état d’esprit :

« I know there’s nothing to say

Someone has taken my place »…

Cette chanson signée par Lindsay Buckingham, loin de verser dans l’auto-apitoiement, débute l’album dans une atmosphère dansante et presque joyeuse. C’est Lindsay qui chante (et qui s’adresse directement à Stevie) qui joue les guitares et qui s’occupe de cette curieuse percussion obtenue en frappant l’assise d’une chaise en faux cuir. Stevie et Christine assurent les chœurs, et je voudrais simplement que vous écoutiez la qualité des harmonies vocales qu’elles produisent, ici comme dans tout le reste du disque, ce qui me ferait d’ailleurs presque dire qu’il s’agit d’une constante que l’on retrouve dans tous les grands disques pop où figurent plusieurs chanteurs.**

*”A Rose For Emily”

**À moins que l’on ne tienne ici le fil rouge qui parcourt l’ensemble de ces chroniques : OldClaude n’aime que les chansons faites d’harmonies vocales et de guitares carillonnantes.

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