Chose exceptionnelle dans ce blog, c’est la troisième fois que je chronique cette chanson* ! Ce n’est pas très étonnant : il s’agit, sans doute, de l’une de mes dix chansons préférées de tous les temps, et j’en possède une bonne vingtaine de versions différentes. J’ai déjà écrit sur mes deux préférées ; voici la version qui occupe la 3ème marche du podium devant des gens aussi estimables que John Frusciante, Gravenhurst, George Michael, Robert Plant, Bryan Ferry, Sinead O’Connor, Susheela Raman ou Sheila Chandra.

La carrière des Czars était terminée**. Mais leur maison de disques, Bella Union, décida de sortir une compilation de faces B et de reprises, Sorry I Made You Cry, évidemment totalement indispensable, comme tout ce que les Czars avaient fait, et qui se termine par une version de près de 8 mn de l’admirable “Song To The Siren” de Tim Buckley. Cela dit, je possédais, dans ma discothèque un excellent double-cd datant de 2000, Sing A Song For You Tribute To Tim Buckley, qui se concluait également par cette reprise des Czars.

“Song To The Siren” ne souffre pas la médiocrité. Seul les plus grands ─ ou les plus grandes, merci, Elizabeth Fraser ─ peuvent l’interpréter sans friser le ridicule dans lequel quelques-uns sont tombés ; je ne citerai pas de noms.

John Grant s’approprie cette élégie sans commettre la moindre faute ; aucun cabotinage, là où il serait facile d’impressionner les foules par une virtuosité inutile. Droit, direct, dépouillé, capturant ainsi l’essence du texte de Larry Beckett et la quintessence de l’âme de Tim Buckley, John nous prouve, s’il en était besoin, qu’il est l’un des plus grands chanteurs en activité. Mais le travail des Czars (Andy Monley, Roger Green, Chris Pearson et Jeff Lisenmaier) est d’une intelligence rare ; étirant la durée, jouant sur la répétitivité, les musiciens donnent à l’ensemble une douceur hypnotique qui nous invite à nous souvenir que, dans le Chant XII de l’Odyssée, Homère nous rappelle à quel point les sirènes sont liées à la mort. Ce n’est que lorsqu’un artiste s’approche de ce sens ultime de “Song To The Siren”, que sa version arrive à nous toucher. À ma connaissance, seuls Fraser, Buckley et Grant y parviennent.

* Voir mes chroniques portant ce titre.

** Voir mes chroniques de “Goodbye” et de “Little Pink House”, ainsi que toutes celles qui concernent The Czars.

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