Sur un tempo très rapide, une note insistante de piano vient nous sortir de notre torpeur pendant que la main droite indique l’ébauche d’une ligne mélodique.

Troisième titre de l’album “Animal Joy” que je choisis de chroniquer*, “You As You Were” construit patiemment l’image d’un groupe ayant assuré ses arrières et sa crédibilité de groupe indie, et qui veut maintenant se faire entendre par un public plus large.

C’est toute la richesse de Shearwater, toute sa spécificité, d’associer des musiciens dont la sophistication et la complexité harmonique ne peuvent se goûter que sur des enregistrements ou devant des petites audiences, et un chanteur dont le lyrisme et l’intensité dramatique, j’irais jusqu’à dire l’attirance pour le spectaculaire, pourraient le rendre capable de soulever des foules.

Ainsi ce “You As You Were”, qui se construit dans un crescendo, dans une tension qui se résout, comme si la chanson s’ouvrait lentement, à la manière d’une fleur qui déploie ses pétales, et qui, de cette façon, occupe une surface plus grande.

Et c’est, en effet, une stratégie de ce genre qui protège Shearwater de la boursouflure des groupes “de stade” ; Shearwater ne cherche pas à jouer plus fort, à se grandir dans une verticalité**qui ne lui irait pas ; les chansons de Shearwater grandissent comme le ferait un nénuphar recouvrant lentement la surface d’une mare. Et c’est ainsi qu’elles restent belles…

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*après “Animal Life” et “Breaking The Yearlings”.

**phallique, évidemment !

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