J’ai une profonde admiration pour Richard Thompson. Même si sa production, aujourd’hui n’est pas tout à fait du même niveau que ce qu’il nous a donné entre 1988 et 1999, quand il enregistrait pour Capitol Records, et, en particulier, les albums produits par Mitchell Froom et Tchad Blake, ce monsieur de 67 ans qui a émergé sur la scène londonienne avec Fairport Convention, en 1967, continue à jouer, chanter, composer, enregistrer, avec un niveau de qualité que pourraient lui envier bien des artistes de sa génération. Et je sais de quoi je parle : je possède près de soixante albums de R. Thompson !
“1952 Vincent Black Lightning” figure sur l’album “Rumor And Sigh”, produit par Mitchell Froom et nous offre l’occasion de découvrir quel merveilleux guitariste Richard peut être, avec ce picking pris à une allure terrifiante, mais toujours d’une parfaite lisibilité.
Mais ce qu’il chante est au moins aussi extraordinaire que ce qu’il joue. Il y a en effet peu de compositeurs qui ont un talent d’auteur aussi accompli que Thompson, et, une fois n’est pas coutume, je vais tenter d’approfondir cette assertion en reproduisant les paroles anglaises de la chanson, et en en faisant un petit commentaire :

Said Red Molly to James that’s a fine motorbike
A girl could feel special on any such like
Said James to Red Molly, my hat’s off to you
It’s a Vincent Black Lightning, 1952
And I’ve seen you at the corners and cafes it seems
Red hair and black leather, my favourite colour scheme
And he pulled her on behind
And down to Boxhill they did ride

Said James to Red Molly, here’s a ring for your right hand
But I’ll tell you in earnest I’m a dangerous man
I’ve fought with the law since I was seventeen
I robbed many a man to get my Vincent machine
Now I’m 21 years, I might make 22
And I don’t mind dying, but for the love of you
And if fate should break my stride
Then I’ll give you my Vincent to ride

Come down, come down, Red Molly, called Sergeant McRae
For they’ve taken young James Adie for armed robbery
Shotgun blast hit his chest, left nothing inside
Oh, come down, Red Molly to his dying bedside
When she came to the hospital, there wasn’t much left
He was running out of road, he was running out of breath
But he smiled to see her cry
And said I’ll give you my Vincent to ride

Says James, in my opinion, there’s nothing in this world
Beats a 52 Vincent and a red headed girl
Now Nortons and Indians and Greeveses won’t do
They don’t have a soul like a Vincent 52
He reached for her hand and he slipped her the keys
He said I’ve got no further use for these
I see angels on Ariels in leather and chrome
Swooping down from heaven to carry me home
And he gave her one last kiss and died
And he gave her his Vincent to ride

C’est juste l’histoire d’un gars et d’une fille ; seulement, la fille est une superbe rousse et le gars possède une magnifique moto, une Vincent, produite en Angleterre, une Black Lightning de course. Red Molly est séduite par James Adie, et c’est réciproque “Red hair and black leather, my favorite colour scheme”.
Il se trouve que James est un peu fâché avec la Loi, et que le fait de mourir, surtout pour l’amour de Red Molly, ne le gêne pas trop.
Et bien sûr, James commet un vol à main armée, au cours duquel il est mortellement blessé, lui laissant juste le temps d’avouer son amour pour Red Molly, sur son lit d’hôpital : “Says James, in my opinion, there’s nothing in this world Beats a 52 Vincent and a red-headed girl”. Il n’y a rien de mieux en ce monde qu’une Vincent 52 et une fille aux cheveux roux, car les autres motos n’ont pas d’âme, comme une Vincent !
Cette scène a été écrite des centaines de fois, mais sous la plume de Thompson, elle acquiert une vérité et une émotion rarement ressenties dans une chanson.
Il embrasse Molly, lui donne les clés de sa Vincent pour qu’elle la conduise sur ces routes qu’ils ne parcourront plus ensemble, et meurt.
Mais il meurt sans souffrir et sans pleurer, avec une étonnante visions d’anges, de chrome et de cuir, car il a eu tout ce que sa courte vie pouvait lui apporter, une Vincent 52 et une fille rousse. James meurt libre et heureux, et jamais nous ne pourrons être comme lui. C’est exactement ce qui élève ce couple au statut de mythe inatteignable, et ce qui nous fascine tellement dans cette chanson.

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