« Je ne peux pas la posséder ». Cette évidence psychologique, témoin d’une certaine maturité chez l’être humain qui en prend conscience, n’est apparue comme telle à Andy Partridge qu’après son divorce douloureux avec Marianne, et sans doute après avoir essuyé quelques déconvenues dans sa nouvelle relation avec Erica. Mais enfin, mieux vaut tard que jamais, et ça nous donne ce merveilleux “I Can’t Own Her”, toujours sur ce “disque suprême” qu’est Apple Venus vol. 1.

Pourtant, Andy ne tenait pas tant que ça à ce que cette chanson figure sur le disque, et il fallut toute la persuasion d’Haydn Bendall, dont c’était la chanson préférée, pour qu’il accepte de l’inclure.

On se souvient*que Dave Gregory avait rendu son tablier à propos de questions d’arrangements orchestraux : il voulait utiliser des échantillons qui auraient reproduit un quatuor et mettait en avant les économies considérables d’une telle décision. Andy voulait cinquante musiciens, à Abbey Road, et j’ai déjà indiqué le coût de cette exigence.

Andy a imposé ses choix, et Dave a claqué la porte. Cela dit, il fallait un arrangeur, et Haydn proposa Mike Batt. C’est par téléphone qu’Andy indiqua à Mike Batt ce qu’il voulait, en termes plus ou moins imagés : « Tu vois, pour le ciel tourbillonnant, je voudrais des cordes qui tourbillonnent». Et Mike d’écrire un arrangement de cordes qui colle parfaitement au «swirling sky» que chante Andy, lequel lui en est, jusqu’à aujourd’hui, tout à fait reconnaissant.

Maintenant, si vous écoutez bien le disque, il y a, comme dans la plupart des autres chansons une habile superposition de vraies parties d’orchestre issues des séances d’Abbey Road, avec des échantillons collectés dans le Proteus d’Andy.

Par exemple, les instruments à vent que l’on entend lorsqu’Andy chante « But I can’t own her…» sont des échantillons d’harmonicas (!). Sur «I’ve got all morning…» on entend un instrument qui pourrait vous évoquer un clavecin ; il s’agit en fait d’un échantillon de dulcimer. Écoutez bien, également, la basse de Colin Moulding, qui joue en contrepoint de la ligne mélodique ; on ne peut pas faire mieux ! Prairie Prince est d’une exemplaire discrétion, jouant uniquement sur ses toms, avec des mailloches (en particulier à la fin de la chanson). Quant aux voix d’Andy, l’enregistrement multipistes permet qu’elles se mêlent, se croisent, s’ajoutent, se séparent et se retrouvent, dessinant ainsi une dentelle musicale dont je ne connais pas beaucoup d’équivalents. Ce n’est évidemment pas terminé ; à la semaine prochaine.

*Pour ceux et celles qui ont lu, dans l’ordre adéquat, toutes mes chroniques à propos d’Apple Venus vol. 1. À ce propos, pour celles et ceux qui se demandent où se trouve la seule chronique que j’ai consacrée à Apple Venus vol. 2, qu’ils lisent “Playground”. J’ai, par ailleurs, déjà dit ce que je dois au livre d’entretiens d’Andy avec Todd Bernhardt, Complicated Game, inépuisable mine de renseignements. Encore merci.

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