Je n’ai pas toujours été tendre avec Paul McCartney. Incontestable génie du temps des Beatles, leader et ciment du groupe au moment où les trois autres, après l’abandon des tournées, commençaient à prendre des trajectoires centrifuges, ses facilités mélodiques, instrumentales, vocales, qui cessaient d’être contrebalancées par son égal et son opposé, en d’autres termes son complément naturel, John Lennon, l’ont conduit à produire une discographie où, que ce soit en solo ou avec Wings, le meilleur côtoie le moins bon. Mais entendons-nous bien, quand j’évoque le « moins bon » à propos de Sir Paul, il s’agit d’un niveau que souhaiteraient déjà atteindre une bonne partie des musiques produites de nos jours !

Cela étant posé, ce Chaos And Creation In The Backyard, paru lorsque Paul avait 63 ans, est l’un de mes albums préférés de l’ex-Beatle.

Il faut, outre Paul, bien sûr, en remercier le producteur Nigel Godrich, collaborateur attitré du Radiohead de la grande époque, qui ne s’est pas laisser impressionner par le “monstre sacré” qu’il avait en face de lui, mais qui a poussé le sexagénaire dans ses retranchements, comme s’il s’agissait de n’importe quel artiste. Paul a joué le jeu, et il faut le saluer et le remercier pour ça.

Et on a donc un album humble et modeste, où brille ce “Jenny Wren”.

Paul s’accompagne lui-même sur son Epiphone Texan, et ponctue discrètement le rythme sur un tom basse. Il y a aussi un chorus joué sur un duduk*, lequel est un instrument arménien, ressemblant à une flûte à bec munie d’une anche double

Jenny Wren est, d’après Wikipedia, un personnage de L’Ami Commun de C. Dickens ; c’est également un oiseau, un petit passereau qu’affectionne Paul, le roitelet huppé, ce qui, par association d’idées nous conduit à “Blackbird”**.

Il y a une filiation évidente et charmante entre “Blackbird” et “Jenny Wren”, et cette dernière est réussie parce que, même si “Jenny Wren” est d’un niveau inférieur à “Blackbird”, on sent que Paul a rendu les armes, qu’il a admis qu’il ne fera plus jamais aussi bien que dans les 60’s avec les Beatles. Le Paul de 63 ans rend hommage au Paul de 26 ans, et cette humilité nouvelle et sincère est ce qui fait le prix de “Jenny Wren”.

*Joué par le Vénézuélien Pedro Eustache

**sur le “Double-Blanc”, The Beatles, 11/1968.

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