Voilà donc la quatrième et dernière chronique publiée sur mon blog, concernant Badfinger, après “Without You”, “Name Of The Game” et “Icicles”*.

Comment un groupe qui venait d’avoir quatre succès mondiaux : “Come And Get It”, “No Matter What”, “Day After Day” et “Baby Blue”, pouvait-il en arriver là ?

La première réponse, bien sûr, c’est l’effondrement d’Apple Records, la compagnie de disques des Beatles. Leur quatrième et dernier album pour Apple, Ass, n’avait eu qu’un très mince succès**, non pour des raisons liées à sa qualité, mais parce que sa sortie avait été repoussée par les problèmes contractuels, tant et si bien que le cinquième album, Badfinger, le premier chez Warner Records finit par sortir avant Ass !

La deuxième réponse porte un nom : Stan Polley. Le manager anglais de Badfinger avait signé un contrat avec Polley, en novembre 1970, pour que ce dernier s’occupe des affaires du groupe sur le territoire américain. Polley avait créé la “Badfinger Enterprises Inc.” une société qui avait pour mission de gérer tous les avoirs générés par le groupe, dans tous les domaines. Les quatre Britanniques n’étaient plus que des salariés de cette société, tout comme Polley, d’ailleurs. Mais, pour vous donner un exemple, sur une petite année, Badfinger Enterprises rémunéra Pete Ham $5,959, pendant que Stan Polley recevait un chèque de $75,744 !

Cependant Polley s’occupait du groupe, bien sûr, et anticipant l’effondrement d’Apple il leur avait trouvé un contrat avec Warner Records, qui prévoyait la livraison de six albums en trois ans. Ce n’est pas rien, même si l’avance de Warner était conséquente, mais les quatre musiciens se retrouvèrent en studio moins de six semaines après la fin de l’enregistrement de Ass.

Le premier album chez Warner porte le titre de Badfinger et la pochette montre une élégante jeune femme habillée à la mode des années 20.

J’aime bien cet album. Comme je vous l’ai dit précédemment, il ne s’est pas vendu. Il comporte quelques très belles chansons, alors que d’autres sont moins réussies. Il faut dire que Pete Ham commençait à n’être plus que l’ombre de lui-même, assommé par l’insuccès et les problèmes économiques. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de vous présenter une chanson du batteur Mike Gibbins, “My Heart Goes Out”, alors qu’il n’y a pas de batterie dans ce titre. C’est Mike qui chante, d’une voix imparfaite et mal assurée, mais néanmoins très touchante, accompagné par une guitare et une mandoline.

Vous connaissez déjà la fin. L’album suivant, Wish You Were Here, ne fut distribué que quelques semaines. À partir de mars 1975, plus aucun salaire ne fut versé, alors que Pete Ham venait d’acheter une petite maison dans le Surrey, avec sa compagne qui attendait leur second enfant.

Polley était injoignable, et personne ne voulait s’occuper de Badfinger à cause de toutes les actions légales en cours. Le 23 avril, Pete recevait un coup de fil des USA qui lui annonçait qu’il ne restait plus un dollar dans les caisses de Badfinger Enterprises. Il passa la nuit dans un pub avec Tom Evans où il but énormément. Tom le raccompagna chez lui. Quelques heures plus tard, il se pendait dans le garage de sa maison, laissant cette note à Anne et à son fils Blair : « Anne, je t’aime. Blair, je t’aime. Il ne m’a pas été permis d’aimer ou de faire confiance. C’est donc mieux ainsi. Pete. P.S. : Stan Polley est un salaud sans cœur que je rêve d’emmener avec moi »

La crémation eut lieu dans sa ville natale de Swansea, au Pays de Galles. Le mois suivant, sa fille, Petera, naquit, Warner dénonça le contrat avec Badfinger, qui cessa d’exister. Apple cessa de distribuer tous les albums de Badfinger.

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*Que je vous demanderais de relire dans cet ordre.

**voir ma chronique d'”Icicles”.

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