Trésor caché. Duncan Browne avait 21 ans en 1968. Clarinettiste pendant son enfance, la découverte de Bob Dylan lui donne l’envie de se mettre à la guitare. Il forme un trio, Lorel, avec sa petite amie de l’époque et un de ses amis Davey Morgan, pour chanter du folk. Andrew Loog Oldham, manager et producteur des Rolling Stones venait de perdre ce poste et s’occupait de sa maison de disques, Immediate (Small Faces, The Nice, Chris Farlowe…). Il remarque le trio dans un club et demande à Duncan de travailler sur un projet d’album solo qu’Immediate se chargerait de vendre. Duncan reprend contact avec un de ses amis, David Bretton, à qui il demande d’écrire des textes pour les musiques qu’il compose.

Lentement s’élabore en studio ce Give Me Take You, jusqu’au jour où Andrew L. Oldham, crédité comme producteur, mais n’ayant quasiment pas participé à son élaboration, prévient Duncan qu’il ne reste plus d’argent dans les caisses et qu’il lui faut terminer son disque sous 48 heures !

Inutile de dire que la promotion de Give Me Take You est nulle, qu’il s’en vend quelques centaines d’exemplaires ; ce qui reste est pilonné, et, de plus, les bandes master sont perdues. Donc, mesdames et messieurs, si vous détenez un exemplaire original de Give Me Take You, c’est comme si vous aviez de l’or entre les mains. L’autre conséquence, c’est que le cd que je possède (réédition Sanctuary de 2000, avec 5 “bonus tracks”) a été fabriqué à partir d’un disque vinyle original, et pas à partir de la bande magnétique.

J’ai choisi de vous parler de “Ninepence Worth Of Walking”, mais tout le disque baigne dans cette ambiance d’un folk très ouvragé, certains disent baroque, qui peut évoquer ce que faisait Left Banke aux USA, mais surtout, The Zombies avec Odessey & Oracle*.

Guitares acoustiques qui tentent d’imiter le toucher du clavecin (cordes nylon ?), voix douces, chœurs d’enfants, claquements de mains, “Ninepence Worth Of Walking”, ainsi, vous l’avez compris, que tout Give Me Take You, est un enchantement, à l’image de la pochette qui présente une œuvre préraphaélite, spécialité typiquement britannique, ce qui a permis à un critique américain de parler de “musique préraphaélite”. Croyez-moi, ce disque vaut mieux que toutes les étiquettes qu’on lui a affublées, et reste l’un des plus importants de cette année 1968, qui n’en manquait pourtant pas.

La suite de la carrière de Duncan Browne fut aussi discrète que son début : un “single” en 1970, un autre en 1972, des collaborations avec d’autres artistes, la reprise d’une de ses chansons par David Bowie, jusqu’à sa disparition, en 1993, emporté par un cancer.

*Merci de vous reporter aux chroniques que j’ai consacrées à ces deux groupes.

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